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Cycle "Top Management". Evaluation globale

E2361_2 Le volet Top Management du programme Energizing Change vient de s’achever avec le sixième séminaire du 5 février dernier, consacré aux alliances stratégiques et aux JVs.

Mon équipe et moi-même tenons à vous dire combien nous avons été honorés de participer à ce projet novateur. Novateur mais pas irréaliste, comme le suggère “Le Rêve” de Picasso.

Dès le départ, nous avions pleine conscience du caractère ambitieux du projet au sens où il exige de vous un surcroît d’énergie et de concentration. Aussi, avons-nous mobilisé tous les moyens pour vous faciliter le suivi de ce cycle de séminaires ; et vous permettre de vivre cette expérience de façon tout autant conviviale que studieuse.

Comme vous l’avez observé, nous avons mobilisé des animateurs parmi les meilleurs au monde dans leurs spécialités respectives ; et cela, pour vous permettre d’accéder aux connaissances et pratiques managériales les plus actuelles dans le domaine de la gestion du changement.

Dans le but de prolonger les apports des différents séminaires, nous avons mis à votre disposition les puissantes ressources de Cyberlibris,  la plus grande bibliothèque virtuelle d’ouvrages de management en Europe.

L’ensemble de ces moyens étaient tous focalisés sur un objectif majeur : faire de vous un porteur du changement au sein de votre organisation.

Avons-nous réussi cet objectif ? Quelles sont les choses qui ont bien marché ; et celles, au contraire, qui ont bien moins marché ? Y a-t-il des actions supplémentaires à envisager ? Comment le secteur de l’Énergie & des Mines pourra-t-il capitaliser l’expérience acquise à la faveur du programme Energizing Change ?

Voilà autant de questions qu’il nous paraît indispensable de poser à l’issue de l’achèvement de ce volet du programme Energizing Change. Les réponses c’est vous qui devez les donner ; parce que c’est vous qui êtes concernés au premier chef. C’est pourquoi, je vous propose ci-après un questionnaire qui vous prendra moins de dix minutes à renseigner. Merci de faire cet effort et merci de nous envoyer votre contribution le plus tôt possible pour en faire l’exploitation et vous communiquer les résultats aussitôt après.

Brahim Benabdeslem

Pour downloader le questionnaire, cliquez sur :

eval_glob_topmanag.doc

PS : Les photos du séminaire de Fabien Blanchot ainsi que celles de la conférence donnée le 5 février 2005 par Xavier Richet sont consultables dans l’Album photos « Séminaires Top Management Energizing Change » (n° 2333 à 2368)

février 13, 2005 dans Leadership | Lien permanent | Commentaires (43) | TrackBack (0)

Evaluation du programme Energizing Change

Callout_image_managementtools1 Le programme Energizing Change, engagé en avril 2004, suit un déroulement conforme à la programmation initiale. Le volet Top Management est quasiment achevé : sur les six séminaires prévus, cinq ont déjà été réalisés et le dernier est prévu pour les 5 et 6 février 2005. Quant au cycle Executive MBA, il est arrivé à mi-course et doit s’achever en juin 2005 par la soutenance des Value Creation Projects (VCP) à l’Edhec (Lille) .

MDI-Alger a estimé utile à cette étape de faire une évaluation du programme par les participants eux-mêmes. Pour cela, les participants au programme Top Management ont été invités à donner leur opinion sur la base d’un questionnaire qui leur a été soumis à travers le blog de MDI-Alger. Une évaluation qui a montré que le programme répondait bien à leurs attentes ; et cela, aussi bien du point de vue du contenu que des conditions d’organisation des séminaires.

Lors du forum sur « La Formation, Levier du Changement », organisé les 18 et 19 décembre dernier par Sonatrach dans les salons de l’hôtel Hilton, Brahim Benabdeslem , directeur général de MDI-Alger, a présenté les résultats de ce sondage.

Si vous voulez consulter ces résultats, cliquez sur le fichier ci-dessous.

Smaïl Seghir

top_manag_eval.pdf

Lire la suite "Evaluation du programme Energizing Change" »

décembre 28, 2004 dans Leadership | Lien permanent | Commentaires (10) | TrackBack (0)

Création de valeur et gouvernement d'entreprise

Feature_peme991Comme je vous l’ai promis, vous trouverez ci-dessus, sous forme de fichiers PowerPoint, les présentations complémentaires de Philippe-Henri Latimier donnant des illustrations des problématiques de la création de valeur dans le secteur énergétique.

Vous y trouverez aussi des comparaisons intéressantes entre Sonatrach et GDF sur les grands agrégats financiers ainsi que des réflexions synthétiques sur les grands challenges de l’industrie dans le domaine de la gouvernance d’entreprise.

Je vous en souhaite bonne lecture… et comme d’habitude, j’ose espérer vos réactions par l’intermédiaire de la rubrique "écrivez-moi" du Blog de MDI-Alger.

PS: Vous trouverez les photos du séminaire des 4 & 5 décembre dans le blog (rubrique ALBUM PHOTO, en bas à gauche de la page du Blog, en cliquant sur "Top Management"). Les photos sont numérotées de 1731 à 1755.

Smaïl Seghir

Pour en savoir plus, prière de cliquer sur les liens suivants:

exxonmobil_energizing_change.ppt

gdf_et_sonatrach_quelques_reperes.ppt

maximisation_of_shareholder_value_energizing_change.ppt

presentationstatoil_phil_energizing_change.ppt

décembre 07, 2004 dans Finance | Lien permanent | Commentaires (2) | TrackBack (0)

Herb Kelleher, un leader inspirateur

Clip_image001_2Lors des deux derniers séminaires sur la marketing des services, celui animé par Denis Lapert pour le Top Management et celui de Pierre Chaix pour les particiapants au cycle EMBA du programme Energizing Change, vous avez pu apprécier dans chaque cas la force exceptionnelle du management des hommes dans les stratégies gagnantes appliquées au secteur des services. Je vous offre ci-dessus une lecture qui illustre parfaitement cette dimension à travers l'interview de Herb Kelleher, le mythique patron de SouthWest Airlines, cette compgnie aérienne qui engrange des bénéfices, année après année, depuis sa fondation en 1971 !

Je vous en souhaite bonne lecture... et j'attends vos commentaires sur le Blog.

Smail Seghir

Herb Kelleher : L’Interview d’un Leader Inspirateur

par Chuck Lucier

Le cofondateur et président Southwest Airlines dit pourquoi les hommes de l’entreprise c’est tout ce qui compte.

Le transport aérien est une industrie difficile où il n’est pas facile de faire fortune : beaucoup trop de concurrents, des clients très sensibles aux prix, un fort besoin de capitaux fixes, une activité cyclique, des fournisseurs puissants, et souvent des syndicats intransigeants. Cependant, Herb Kelleher, le cofondateur et président de Southwest Airlines, a réussi à créer un modèle de création de valeur que tout dirigeant d’entreprise pourrait envier.

Depuis son démarrage en 1971, Southwest Airlines est devenue la quatrième compagnie aérienne aux États-Unis avec 30 années successives de bénéfices, dans une industrie où aucune autre compagnie n’a réussi à être profitable pour plus de cinq années de suite. Durant cette période, les revenus des actionnaires ont été presque le double de la moyenne des 500 S&P[1]. Southwest Airlines a réussi à faire monter sa capitalisation boursière à un montant supérieur à celui de toutes les autres compagnies aériennes américaines réunies. Les grandes compagnies aériennes concurrentes ont essayé d’imiter Southwest Airlines avec des clones. Beaucoup de start-ups dans le domaine du transport aérien, aussi bien aux Etats-Unis qu’en Europe, citent Southwest Airlines comme le modèle qui les a tous inspirées.

On attribue souvent le succès de Southwest Airlines à la recherche d’une constante focalisation. Dès le départ, la stratégie de Southwest Airlines a consisté à attirer sa clientèle non chez celle qui fréquente les autres compagnies aériennes mais celle qui utilise la voiture, le bus et le train, en leur offrant le service le moins cher et le plus rapide. Pour mettre en œuvre cette stratégie, la compagnie a décidé de se doter d’un seul type d’avion, le Boeing 737, et de substituer au modèle “hub-and-spoke” – classique dans le transport aérien - le modèle linéaire de réseau. Mais le cœur du succès de Southwest Airlines réside dans sa culture et dans ses employés. « Votre moral », a l’habitude de dire Mr. Kelleher, un homme connu pour être très proche de ses collaborateurs, « c’est la chose la plus puissante de toutes ».

En reconnaissance de l’inspiration qu’il procure à tous ceux qui pratiquent la stratégie, pour ses contributions dans la redéfinition de la façon dont les entreprises pensent la stratégie, et pour ses succès dans la redéfinition de toute une industrie, Mr. Kelleher a été au mois de novembre 2003 le lauréat du prix du Lifetime Achievement Award by the Strategic Management Society (SMS), la prestigieuse association mondiale des spécialistes en stratégie, venant aussi bien du milieu académique que des entreprises.

Lors de la réunion annuelle de SMS à Baltimore, où Mr. Kelleher a accepté le prix; Chuck Lucier, rédacteur en chef de strategy+business et éditorialiste de “Breakthrough Thoughts”, a conduit une interview publique avec Mr. Kelleher sur le succès de Southwest.

S+B : Commençons par quelques mots à propos de la distinction que vous venez de recevoir. Vous avez parlé de cet « engagement audacieux » qui veut que les employés doivent venir en premier, les clients en second et les actionnaires en troisième position. Comment avez-vous mis cela en œuvre durant 20 ans ?

KELLEHER : Lorsque j’ai démarré ma carrière professionnelle, les professeurs dans les business schools aimaient poser une colle : « Qu’est-ce que vous mettez en premier ? L’intérêt des employés, celui des clients ou bien celui des actionnaires ? » Comme si c’était là une question qui avait une réponse. Ma réponse était très simple. Ce sont les intérêts des employés qui doivent arriver en premier. Si vraiment vous traitez vos employés de cette façon, ils traiteront les clients de façon convenable, les clients reviendront à vous, et c’est ce qui rendra vos actionnaires heureux. Ainsi il n’y a pas photo. En fin de compte, c’est de la valeur pour l’actionnaire que vous êtes en train de produire.

S+B : Un dollar investi à l’occasion de l’offre publique de vente de Southwest en 1972 vaut aujourd’hui 1 400 dollars. Ce résultat est-il dû uniquement au fait que vous avez placé vos employés en tête de vos préoccupations ?

KELLEHER : Nous avons réussi parce que nous avions une stratégie simple. Notre personnel y a adhéré dès le début. Nos gens comprennent bien notre stratégie. Nous avions besoin d’une grande discipline pour ne pas nous écarter de notre stratégie.

Fondamentalement nous avons dit trois choses à nos gens. Les coûts les plus bas du secteur – cela ne vous gênera pas d’avoir les coûts les plus bas. La meilleure qualité du service – c’est là un élément important de la valeur. Nous avons dit en plus de cela que nous étions intéressés par les aspects intangibles du business – une infusion de moral - parce que c’est la chose la plus difficile à copier par nos concurrents. Les aspects tangibles peuvent facilement être achetés par vos concurrents. Mais ils ne pourront pas acheter votre moral. Aussi, est-ce là la chose la plus puissante entre toutes.

S+B : sans vouloir diminuer l’importance des aspects intangibles, quelle est la source des avantages de coût de SouthWest ?

KELLEHER : L’avantage de coût est très important perce que nous avons commencé avec une philosophie selon laquelle nous allions proposer des tarifs bas, advienne que pourra. Nous voulions permettre au plus grand nombre la possibilité de prendre l’avion. Cela n’avait pas d’importance que nous ayons de la concurrence ou pas. En d’autres termes, nous nous sommes dit que nous étions une catégorie d’animal à part. Lorsque nous avons atteint un taux de remplissage dans la fourchette des 70 à 75 % sur une période appréciable, nous n’avons pas augmenté nos tarifs. Nous avons plutôt augmenté le nombre de vols et offerts plus de sièges. Aussi, si vous avez pris une telle approche, alors, bien sûr, vous vous devez de vous en tenir à une politique de coûts bas.

Mais comment vous obtenez des coûts bas ? Á travers une série de choses, en incluant l’inspiration que vous donnez à votre personnel, leur productivité, le fait qu’ils pensent qu’ils sont en train de réaliser quelque chose qui est réellement importante et qu’ils en tirent de la satisfaction. Si vous regardez le système de rémunération de Southwest – salaires, participation aux bénéfices, sécurité sociale, stock options – vous pouvez dire que les employés de Southwest sont les mieux rémunérés de tout le secteur du transport aérien aux États-Unis. L’un de nos pilotes vient de prendre sa retraite avec un montant de 8 millions de dollars en stock options. Ceci dit, vous devez être capable de produire un tel résultat.

Répondre aux Besoins de la Vie

S+B : Un système de rémunération qui est basé sur la valeur de l’action de l’entreprise est une bonne chose. Mais lorsque la cote en bourse n’est pas bonne vous pouvez avoir un problème de motivation.

KELLEHER : Absolument, c’est un risque. C’est pourquoi nous n’offrons pas seulement des stock options. Nous avons mis en place un groupe de pédagogues qui se déplacent au sein de la compagnie pour expliquer ce que sont les stocks options, comment cela fonctionne, et montrer qu’il s’agit d’un investissement à long terme. De 1990 à 1994, le secteur du transport aérien a enregistré une perte cumulée de 13 milliards de dollars. Southwest Airlines était profitable pendant toute la période, mais notre cotation boursière était soumise à rude épreuve. Malgré cela, 84 % de nos employés ont maintenu leurs investissements dans la compagnie durant toute la période. C’est ce type de confiance et de foi que vous devez créer, pour que les gens développent une vision long terme et qu’ils en soient pas amenés à boursicoter toute la journée.

S+B : Pratiquement toutes les grandes compagnies aériennes américaines ont essayé de vous copier en quelque sorte. Aucune d’entre elles n’a pourtant réussi à se rapprocher de vous. Pour quoi est-ce aussi difficile ? Alors que votre modèle semble si simple

KELLEHER : Nous avons vu beaucoup de compagnies aériennes annoncer qu’elles allaient faire du low cost [coût bas]; Mais elles avaient un problème : elles avaient des coûts élevés au départ. Vous pouviez offrir des tarifs bas mais la faillite vous guette !

Je pense que le plus difficile pour elles c’était l’aspect culturel de la chose. Et l’aspect culturel ne peut pas être dupliqué. L’une des choses qui expliquent la puissance des ressources humaines c’est lorsque United Shuttle a ouvert un service à partir d’Oakland. Ils avaient tous les avantages. C’est-à-dire des sièges haut de gamme pour ceux qui ne voulaient voyager qu’en première classe. Ils avaient un programme de fidélité que nous n’avions pas. Ils ont probablement dépensé entre 25 et 30 millions de dollars en campagne promotionnelle. J’ai dans mon bureau quelque chose comme un millier de lettres disant pourquoi United Shuttle a finalement arrêté son service à partir d’Oakland. L’un des lettres disait « Herb, je les ai essayés, mais je préfère de loin votre personnel, aussi suis-je de retour chez vous ». Dans les métiers de service, il ne fait aucun doute que l’important c’est ce sont les hommes et leur attitude.

S+B : Ainsi nous retournons aux aspects intangibles – le “moral” que les concurrents ne pourront pas acheter. Comment une entreprise peut-elle créer une telle culture ?

KELLEHER : Á un moment donné nous organisons une “journée corporate”. Nous invitions des compagnies venant du monde entier, certaines particulièrement intéressées par la façon dont nous embauchions nos collaborateurs, comment nous les formions, etc. Il nous arrivait de dire à nos invités : « Traiter vos gens de façon correcte et ils vous traiterons correctement ». Beaucoup de nos invités repartaient chez eux avec beaucoup de déception. C’est aussi simple que cela.

S+B : Ou trop dur.

KELLEHER : Ou trop dur, en effet – parce que c’est comme une mosaïque avec un millier de petites pièces que vous devez chaque jour garder liées entre elles. Ce n’est pas quelque chose que vous pouvez programmer. C’est impossible. Cela doit venir du cœur, pas de la tête. Si çà pouvait être programmable, tout employé le saurait et pourrait dire : « diable, ils ne sont pas sincères ; en réalité ils s’en foutent, ils veulent juste nous faire croire qu’ils se préoccupent de nous ». 

Cela doit être comme un flux continu de communication d’individu à individu, et non pas comme quelqu’un qui se contente de dire : « Bien les gars, la communication c’est très important. Préparons-nous à communiquer pendant les six prochains mois puis passons aux choses sérieuses ». Cela doit faire partie de votre tissu conjonctif ; cela doit être quelque chose que vous faites vraiment comme émanant de votre âme.

Je vais vous donner une illustration qui montre comment cela fonctionne. Lorsque le secteur du transport aérien a fait l’objet d’une déréglementation aux Etats-Unis, je me suis réuni avec notre très créative agence de communication, GSD&M, d’Austin. (Nous les appelons “Greed, Sex, Drugs, and Money.”). Ils nous ont dit : « Ok, Herb, maintenant nous avons la déréglementation. Les compagnies aériennes peuvent désormais voler là où elles le désirent. Qu’est-ce qui les différentient de Southwest Airlines ? » J’ai répondu : « Nos gens sont différents ». C’est de là qu’est née notre compagne de promotion “The Spirit of Southwest” [L’Esprit de Southwest]. C’était là prendre un énorme risque car nous ne cessions de répéter à la télévision, à la radio, dans les journaux que nos gens étaient différents, qu’ils étaient les meilleurs et qu’ils accueillaient bien les clients. Nous avons maintenu cette campagne promotionnelle pendant six ou sept ans ; et personne n’a jamais écrit ou dit : “ Vous vous trompez. Vos gens n’ont rien de spécial ». Ce qui démontre, je pense, qu’ils le sont vraiment.

S+B : C’est çà qui fait que votre personnel de cabine chante ?

KELLEHER : Le personnel de cabine de Southwest chante parce qu’ils veulent chanter. Nous ne formons pas notre personnel de cabine à la chanson ou à la façon de raconter des histoires drôles. Ce que nous leur disons c’est ceci : « Si cela fait partie de votre personnalité, vous avez toute liberté pour l’exprimer ». « Nous ne voulons pas vous entraîner à faire des choses différentes de ce que vous êtes vraiment. Si chanter vous stimule et vous rend heureux, allez-y, faites-le ! ». Nous disons à notre personnel : « Vous n’avez pas à porter de masque. Vous n’avez pas à être un robot lorsque vous venez au travail. Soyez simplement vous-mêmes ». N’est-ce pas Robert Frost qui a dit : « N’est-ce pas une honte que les cerveaux des gens fonctionnent si furieusement et s’arrêtent quand ils arrivent au travail ? » Eh bien, c’est parce qu’ils pensent qu’ils deviennent artificiels quand ils sont sur leur lieu de travail.

S+B : L’une des valeurs qui figurent dans votre charte d’entreprise c’est l’humilité. Avec tous ces résultats fabuleux auxquels vous êtes arrivés, Southwest est-elle réellement humble ?

KELLEHER : Il n’y aucun doute là-dessus. Pendant des années, au fur et à mesure que nous devenions plus grands et plus performants, j’ai constamment insisté auprès de nos collaborateurs pour leur dire que notre principal ennemi potentiel c’était nous-mêmes., et non pas nos concurrents. C’est-à-dire devenir prétentieux, suffisants, penser que nous étions le nombril du monde, dédaigner nos concurrents, anciens ou nouveaux.

Je pense que l’humilité est une chose très importante pour vous aider à rester éveillé et savoir quand vous devez changer. Je parlais il y quelques années à un investisseur dans le transport aérien qui disait : « Southwest Airlines est la compagnie aérienne la plus humble et la plus disciplinée avec laquelle j’ai eu à faire ». J’ai répondu : « les deux choses vont ensemble. »

S+B : Pourquoi vont-elles ensemble ?

KELLEHER : Parce que vous ne pourrez pas vraiment être discipliné dans ce que vous faites si vous n’êtes pas humble et d’esprit ouvert. L’humilité engendre l’ouverture d’esprit – et ce que nous faisons vraiment c’est d’établir un ensemble simple de valeurs que nous comprenons. C’est çà qui rend les choses plus simples. Çà nous permet d’observer la discipline extrême que je mentionnais tout à l’heure lorsque je décrivais notre stratégie. Lorsqu’une question apparaît, nous ne disons pas on va l’étudier pendant deux ou trois ans. Nous disons simplement : « Southwest Airlines ne fera pas cela. Peut-être quelqu’un d’autre peut le faire, mais pas nous ». Cela facilite grandement la marche de la compagnie.

Par exemple, nous avions acheté Morris Air. C’était une compagnie aérienne basée à Salt Lake City avec environ 14 à 16 avions. Nous étions beaucoup plus gros. Lorsque nous sommes allés visiter leur siège, j’ai dit à mes collaborateurs : « Lorsque vous arriverez là-bas, taisez-vous. Vous pouvez poser des questions. Mais vous ne ferez pas de commentaires. Ne dites pas aux gens comment selon vous les choses devaient marcher. Savez-vous pourquoi ? Parce que nous serons dans une expédition d’apprentissage. Laissons les gens de Morris Air nous dire des choses. Ils sont nouveaux, ils sont jeunes, ils sont frais, ils ne sont pas enchaînés par des habitudes. Laissons-les nous dire les idées qu’ils ont en tête ». Et nous avons eu en contrepartie des idées fabuleuses, grâce précisément aux valeurs d’humilité.

La Croissance et le Changement

S+B : Vous êtes passés de quelques personnes à plus de 34 000 employés.  Dans quelle mesure cette croissance à changer votre façon de gérer Southwest ?

KELLEHER : En réalité, il n’y a pas eu de changement. Vos tactiques changent, mais votre stratégie de base ne change pas. Notre charte d’entreprise est éternelle. Parce que notre charte d’entreprise ne parle que de nos ressources humaines. Et cela ne changera jamais – en aucune façon ou forme. Southwest a toujours mis l’accent sur les hommes, quel que soit notre taille. J’entends souvent dire : « Attendez quand vous serez un millier, quand vous serez 5.000, quand vous serez 10.000 » - comme s’il y avait une ligne rouge à partir de laquelle vous basculez d’une approche humaniste vers une approche totalement managériale. Celle ligne rouge n’existe pas lorsque vous avez affaire à des hommes. Les rendre satisfaits de ce qu’ils font, les rendre fiers de ce qu’ils font, les mettre dans une position où ils pourront dire à leurs petits enfants que Southwest Airlines leur a donné la possibilité de s’exprimer le mieux – cela reste vrai que vous soyez 5.000, 15.000 ou 35.000.

L’une des choses que nous continuons à renforcer c’est la valeur de nos collaborateurs en tant qu’hommes et non en tant que travailleurs. Tout événement qui vous arrive dans la vie, qu’il soit de nature festive ou douloureux, vous en entendrez parler à Southwest. Si vous perdez un proche, nous serons là. Si vous êtes malade, nous serons là. Et cela, par téléphone, par lettre, par un signe de reconnaissance de notre part. S’il vous naissait un bébé, nous serons encore là. Ce que nous essayons de dire aux gens c’est : « Les gars, attendez une seconde, ce qui a de l’importance pour nous c’est votre personne et non pas le fait que vous soyez avec nous de huit à cinq heures. »

S+B : Beaucoup de choses affectent aujourd’hui le transport aérien qui pourraient mettre en danger la stratégie que vous suivez depuis tant d’années. Par exemple, vous avez commencé à opérer des vols transcontinentaux. Est-ce que cela nécessite de grands changements dans votre façon de faire ?

KELLEHER : Non. En fait cela a été un exercice très intéressant parce que, fondamentalement, pour savoir ce que les gens veulent, nous avons toujours privilégié l’approche empirique plus que l’approche théorique. Lorsque nous avons démarré nos vols long courrier, même nos propres collaborateurs ont dit « Herb, nous allons devoir servir des repas ». Nous devions faire ceci ou cela. J’ai répondu « je n’en suis pas sûr, mais commençons les vols et nous verrons après ». Prenons l’exemple de passagers de Nashville qui voudraient se rendre à Los Angeles. Le vol leur coûtera 1.200 dollars aller-retour, ce qui leur laissera suffisamment d’argent pour se payer un excellent dîner chez Chasen’s ; en plus, ils gagnent deux heures en évitant de transiter par un hub. Dans cette situation, pensez-vous vraiment qu’ils se préoccuperont beaucoup d’avoir un repas en vol ? 

Voilà notre façon de faire que nous avons expérimentée au long des années : se tenir prêt à tirer, et ensuite viser. Dans notre métier, où les capitaux voyagent à 1000 kilomètres à l’heure, vous n’avez pas le temps de vous embêter pour chercher à viser la cible du premier coup ; parce que, pendant que vous serez en train de viser juste, quelqu’un d’autre aura pris la place que vous recherchiez. Aussi, agissez d’abord, et vous aurez tout le temps de corriger les erreurs après coup.

S+B : Vous venez d’être distingué comme le “stratège de toute une vie”. Aviez-vous au départ une vision de tout çà ? Il y a trente cinq ans, vous n’avez-vous pas écrit “Nous allons devenir la plus grande compagnie aérienne low cost”.

KELLEHER : Oh, non. Nous ne l’avons pas écrit parce que lorsque vous écrivez les choses vous vous enfermez vous-mêmes. C’est la raison pour laquelle nous n’avons jamais utilisé de termes à la mode comme l’empowerment, la qualité totale, etc. Chaque fois que vous utilisez un tel jargon, vous pensez que les gens en ont la même conception alors que ce n’est pas le cas. Aussi, nous n’employons jamais d’étiquettes aux choses perce que çà vous empêchera d’avoir l’esprit ouvert.

En fait ce que nous avons dit il y 35 ans c’est que le Texas était alors captif : Braniff avait le monopole des grandes villes ; TransTexas avait le monopole dans les villes moyennes. Les tarifs étaient très élevés. Parce que le passager sur les lignes court-courrier était considéré comme accessoire par rapport aux passagers des lignes long-courrier, il était totalement négligé. En d’autres termes, les vols de San Antonio à Dallas étaient programmés en fonction de l’arrivée des vols venant de Seattle ou de Paris. Aussi, il apparaissait clairement qu’il y avait là une opportunité de faire mieux : offrir un service de meilleure qualité avec des tarifs moindres.

L’une des choses que les gens, à mon avis, n’avaient pas comprise c’est que nous avons commencé par dire que nous allions offrir plus pour moins [d’argent], et non pas moins pour moins. Nous allions vous offrir la possibilité de voyager sur des avions neufs et non pas des avions anciens. Nous allions vous offrir les meilleures performances en termes de ponctualité. Nous allions vous offrir les personnels les accueillants.

Nous n’avons jamais fait de vols long-courriers contrairement à la plupart des compagnies aériennes. Au moment où la planification est devenue une pratique généralisée dans le transport aérien, l’un des analystes du secteur est venu me voir pour me dire « Herb, dois-je comprendre que vous n’avez pas de plan ? ». J’ai répondu que nous avions le plan le moins orthodoxe de tout le secteur : Passer à l’action. C’est çà notre plan. Ce que nous faisons en termes de planification stratégique c’est de nous définir nous-mêmes et ensuite de nous redéfinir.

S+B : Il existe une grande opportunité en Europe en termes de marché. Avez-vous raté le coche là-bas ?

KELLEHER : Cela n’a jamais été un marché qui nous a intéressé. C’est quelque chose qui est en dehors de notre compétence. Les vols internationaux amènent avec eux un tas de complications. Vous êtes obligés de traitez avec plusieurs cultures. Avec plusieurs devises. Comparez çà avec un vol Raleigh-Durham avec un taux de remplissage de 84,3 %, c’est beaucoup plus compliqué. Nous devrions faire varier notre flotte en ayant plusieurs types d’appareils.

Nous avons reçu plusieurs compagnies aériennes européennes qui nous disaient : « Nous devons devenir compétitifs pour la première fois depuis longtemps. Que devons-nous faire ? ». Nous avons répondu : « En premier lieu, cherchez à savoir qui sont vos clients. Car jusque là vous avez imposé vos façons de voir à vos clients. Préférent-ils sacrifier le service de baby-sitting à Francfort pour gagner une réduction de 15 % sur le tarif ? ». Les start-ups en Europe comme Ryanair nous ont aussi demandé notre avis sur ce qu’ils devaient faire et comment ils pourraient faire.

Cela est intéressant parce que, il y a 15 ou 20 ans, le sentiment était que Southwest Airlines pouvait réussir aux États-Unis avec des recettes qui ne seraient pas acceptables en Europe. Ironiquement, c’est là exactement ce que l’on me disait alors : que les gens aux USA n’accepteraient pas notre façon de faire. En réalité vous devez éduquer les gens pour leur démontrer la valeur ajoutée que vous leur apportez. C’est pourquoi Ryanair et EasyJet sont de grands succès. Je pense que vous verrez de plus en plus de compagnies aériennes de ce type non seulement sur le continent européen mais aussi en Amérique centrale, en Amérique du sud et en Asie.

Les conseils de direction et les PDG

S+B : J’aimerais avoir votre sentiment sur quelques grandes questions qui touchent tous les secteurs. Comment jugez-vous les changements dans le rôle des PDG dans les dernières trente années ? Et comment verriez-vous ce rôle évoluer à l’avenir ?

KELLEHER : J’estime que le rôle du PDG a beaucoup changé dans les 20 dernières années. Je ne dis pas qu’il a nécessairement changé en bien ou en mal, mais il a bien changé. Les PDG des grandes compagnies sont devenus des personnages publics, qu’ils l’aient voulu ou non. Avec tout le battage médiatique fait autour des entreprises, les PDG sont placés de plus en plus sous les feux de la rampe. Ils doivent être capables de répondre aux medias. Ils doivent de plus en plus parler en public. Et çà c’est quelque chose qui a bien changé.

En même temps, bien sûr, nous avons à faire à une Amérique plus complexe, l’environnement économique est devenu plus réglementé. Aussi, vous devez consacrer une plus grande partie de votre temps à traiter avec diverses administrations ou agences gouvernementales. Lorsque j’ai commencé ma carrière en tant qu’avocat, j’ai estimé que près de 5 % de notre activité consistait à nous occuper de l’interface avec les administrations gouvernementales, sous une forme ou une autre -  autorités locales, administrations centrales, etc.  Lorsque j’ai arrêté ma carrière dans le droit, ce taux avait monté à près de 60 % de notre activité. Je pense que la même chose se passe au niveau des entreprises – le fait que les aspects réglementaires soient aujourd’hui beaucoup plus importants qu’ils ne l’étaient par le passé, et que vous devez apprendre à vous en occuper car çà devient une chose naturelle.

S+B : Et que pensez-vous des relations avec le conseil d’administration ? Avec les changements apportés dans la gouvernance, comme la loi Sarbanes-Oxley et d’autres, comment ces relations vont-elles évoluer ?

KELLEHER : Ce n’est pas là un vrai problème. Si vous faites marcher votre entreprise de façon correcte, si vous n’êtes pas en train de tromper quelqu’un, si vous donnez de l’information sincère au public sur vos bénéfices, alors la loi Sarbanes-Oxley et les réglementations du New York Stock Exchange seront de simples ajouts à ce que vous faites déjà. Çà vous prendra peut-être juste un peu plus de temps. Çà vous coûtera un peu plus d’argent. Mais ce n’est pas là un exercice inutilement fastidieux.

La chose qui m’inquiète le plus c’est que ces nouvelles réglementations risquent de distraire le conseil d’administration de ses missions fondamentales, et çà c’est une chose relativement nouvelle. Lorsque vous voyez que votre conseil consacre désormais plus de trois heures sur des questions réglementaires et une demi heure seulement sur les questions stratégiques de l’entreprise et les décisions à prendre, vous avez le sentiment que cela amène les gens à s’écarter de leurs objectifs de performance.

Il y a autre chose qui me préoccupe c’est l’impact sur le contrôle interne. J’ai questionné plusieurs responsables de grandes comptes pour leur demander : « Quels sont vos critères pour distinguer ce qui est matériel de ce qui est immatériel ? ». Pour répondre à cette question, on doit nécessairement faire un jugement qualitatif. Il y a des quelques années de cela, notre département d’audit interne avait conclu que certains passagers fraudaient la compagnie. L’audit a décidé d’acheter un système qui valait 300.000 dollars et a embauché le personnel pour le faire tourner et l’entretenir. Je leur ai demandé « Comment perdions-nous dans cette affaire ? ». Ils m’ont répondu 18.000 dollars. J’ai dit « Qu’ils continuent à voler les 18.000 dollars ! Nous n’allons pas dépenser 65.000 dollars par an pour empêcher les gens de voler 18.000 dollars ! ». 

Cela me rappelle un ami qui possédait une chaîne de salles de cinéma au Texas. Il avait un cadre qui était là pendant 17 ans. Un beau jour, il le licencie. Le gars lui demande : « Après 17 années d’une réussite exceptionnelle, comment pouvez-vous me licencier ? ». Le patron lui rétorque : « Bien, pendant les 15 premières années vous avez volé 800 dollars par mois, et vous méritiez cela. Mais récemment, vous vous êtes mis à voler 1.200 dollars par mois, et vous ne les valez pas ».  Ainsi, j’espère que nous n’allons pas sacrifier notre jugement d’entrepreneur et dire que chaque petite chose qui s’écarte d’une norme quelconque est aussi importante que n’importe quel autre événement qui va de travers. Cela m’inquiète assez.

S+B : Je pense que les conseils d’administration jouent deux rôles très différents. D’un côté, ils jouent le rôle du policier : « Les gars, cette affaire n’est pas nette. Elle ne tourne pas très rond. Nous avons besoin de trouver un nouveau PDG. »  D’un autre côté, ils aident le management en offrant des avis et du conseil et en jouant le rôle du mur de tennis. Sommes-nous devant le danger de perdre le rôle du mur de tennis ?

KELLEHER : Je suis très préoccupé par çà. Ce n’est que j’entre en rébellion contre les changements qui ont été apportés, parce que j’estime qu’ils sont salutaires et pas particulièrement fastidieux. Mais je suis un petit peu soucieux quant à leur impact psychologique. Je parlais à un PDG à Dallas il y a un mois de çà et il m’a dit : « Je viens de rédiger un papier sur la stratégie. Il propose que mon entreprise entre dans un nouveau métier. J’ai tenté de le présenter à mon conseil. mais ils étaient tellement préoccupés par la conformité ou la non-conformité à des réglementations que je n’ai pas pu le leur présenter.

Former les Entrepreneurs

S+B : Vous avez fondé le Centre de l’Entreprenariat Herb Kelleher à l’Université du Texas. Pourquoi ?

KELLEHER : Parce que je crois qu’il est très important pour le Texas et pour notre pays que nous préservions  l’esprit d’entreprise. Plus vous devenez gros, plus les problèmes deviennent plus complexes. Et je pense qu’il y a une certaine tendance à se focaliser sur les détails, à se’enliser dans l’aspect bureaucratique des choses et leur côté hiérarchique. L’une des choses que je me suis toujours efforcé faire c’est de garder vivace l’esprit d’entreprise à Southwest Airlines. Même en devenant plus gros et plus complexe. Car c’est de là que vient la création d’emploi, des petites entreprises et non des grandes compagnies.

S+B: Qu’aimeriez-vous voir les business schools faire mieux ?

KELLEHER : De façon générale, nos business schools, du moins aux États-Unis, font un bien meilleur travail qu’il y a 30 ans. Aujourd’hui, les business schools parlent d’entreneurship, peut-être allument-elles des étincelles. Elles se concentrent davantage sur la dimension relationnelle du management. Elles intègrent plus de formations sur la notion de service à la clientèle. Elles se sont bien démarquées des approches classiques qui les voyaient se focaliser surtout sur l’analyse financière et les techniques de planification. Ce qui correspond mieux aux attentes si vous voulez former des PDG complets.

S+B : Quel conseil donneriez-vous à un nouveau PDG s’il voulait avoir un succès similaire au vôtre ?

KELLEHER : La première des choses, c’est de bien distinguer ce qui est vraiment important de l’accessoire. De ne pas se laisser engluer dans les questions bureaucratiques ou hiérarchiques. D’être plus orienté sur les missions et les objectifs. De savoir rendre les choses les plus simples, de façon à ce que les valeurs de l’organisation soient bien comprises par le plus grand nombre – pour qu’ils se sentent de vrais participants dans l’affaire. Je ne sais pas si c’est Calvin Coolidge ou Bianca Jagger qui a dit – tous les deux sont minces, c’est pour çà que je l’ai confond – « le business du business c’est le business ». Nous à Southwest Airlines nous avons toujours dit : «Le business du business ce sont les hommes. »   

Reprint No. 04212

Á propos de l’auteur :


Chuck Lucier (chuck@chucklucier.com) est senior vice président émérite chez Booz Allen Hamilton. Actuellement, il est en train d’écrire un livre sur le consulting en stratégie et le savoir chez une sélection de clients.


[1] S&P : Standard & Poors. S&P est l’une des principales agences de cotation dans le monde. S&P 500 regroupe les 500 plus importantes entreprises cotées en bourse pour lesquelles S&P suit les performances financières.

novembre 28, 2004 | Lien permanent | Commentaires (3) | TrackBack (0)

La double vie d'un baril

Logo_lemonde1 ENQUÊTE
La double vie d'un baril
Dans Le Monde daté du 17 novembre 2004, vous trouverez un article grand public qui m'a paru particulièrement bien écrit sur l'industrie pétrolière. Je le soumets ci-après à votre sagacité.
Smail Seghir
LE MONDE | 16.11.04
Des puits de la mer du Nord jusqu'aux pompes d'une station-service française, en passant par Genève et Anvers, le chemin d'un baril de pétrole est tortueux. A l'arrivée, son prix est multiplié par 34.

L'envolée des prix de l'essence nourrit bien des soupçons : qui s'enrichit sur le dos des consommateurs ? Pour répondre à cette question, nous avons suivi le chemin d'un baril (159 litres) de brut de brent - qualité de référence en Europe - de la compagnie Total. Une route qui serpente sur les océans, traverse les continents, efface les frontières, mais garde sa part de mystère. Du puits à la pompe, la vie du baril est agitée, avec une multiplicité d'intervenants et d'échanges.

ALWYN

Deux heures et demie d'hélicoptère, engoncé, tel un astronaute, dans une combinaison de survie jaune, pour atterrir sur un gigantesque Meccano. Le premier contact est plutôt rude. La plate-forme d'Alwyn aurait plu à Stanley Kubrick, avec la mer du Nord en furie et des vagues à perte de vue, dignes de l'infini intersidéral de L'Odyssée de l'espace. Situé à 440 kilomètres au nord-est d'Aberdeen (Ecosse), à la limite des eaux norvégiennes, l'ouvrage d'Alwyn North 3/9 (aire 3, bloc 9) est posé en plein cœur de la zone brent, où l'on extrait cette qualité de pétrole. L'installation est constituée de deux unités reliées par un pont d'acier : à l'ouest, le derrick de forage et les quartiers d'habitation ; à l'est, l'usine de traitement des fluides. La profondeur d'eau est de 126 mètres.

"Il s'agit d'un gisement complexe, avec de brusques variations de pression. Mon travail consiste à extraire le pétrole de la manière la plus efficace possible. Le prix, d'autres s'en occupent", insiste Colin King, l'"offshore installation manager". Seul maître à bord, à la manière d'un capitaine, cet écossais règne sur un territoire contenant quelques milliards de barils de pétrole et de mètres cubes de gaz.

Une immense "tige" plonge dans ce trésor d'hydrocarbures niché à plusieurs centaines de mètres dans les entrailles de la mer du Nord. Au bout de ce tube d'acier est placée une mèche qui perce le sous-sol jusqu'à la nappe. Grâce à ces forages, verticaux, déviés ou horizontaux, un mélange d'eau, de pétrole et de gaz à 250 degrés est ramené en surface.

Filtré et séparé, l'or noir extrait du réservoir est envoyé ensuite par oléoduc vers une plate-forme voisine, Cormorant Alpha, exploitée par la compagnie Shell. Enfin, le brut emprunte le réseau maillé de pipelines géants tapis au fond de la mer. Ces autoroutes sous-marines amènent la production au terminal BP de Sullom Voe, dans les îles Shetland.

Mise en production en 1987, la plate-forme d'Alwyn Nord est opérationnelle toute l'année, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. L'activité des 210 employés, qui représentent tous les corps de métier, est frénétique : séjournant deux longues semaines d'affilée, soudeurs, techniciens, personnel d'hôtellerie ou d'entretien travaillent douze heures par jour, sept jours par semaine, en se relayant. Dans cet univers masculin, figurent une douzaine de femmes, dont deux ingénieurs.

Cette armature géante est largement automatisée. Pleine d'ordinateurs, la salle de commande contrôle tout, du débit des puits à l'envoi des hydrocarbures dans le pipeline en passant par le traitement des fluides extraits. D'une propreté immaculée, ce lieu offre une vision esthétisante et virtuelle du pétrole. Aujourd'hui, le derrick ne crache plus d'huiles noires. Le James Dean du film Géant hurlant de joie sous une pluie de pétrole appartient définitivement au passé.

Steve, le "comptroller" aux gestes précis et efficaces, ne quitte pas du regard un gros compteur qui calcule le volume d'envoi du brut. Dans le pipeline conduisant au terminal, la production d'Alwyn est en effet mélangée avec celle des plates-formes exploitées par d'autres compagnies. D'où la nécessité de déterminer la quote-part exacte de chacun. Les groupes pétroliers tirent la majorité de leurs revenus et de leurs profits de l'exploration-production. Et la valorisation des réserves figure au bilan en tant qu'actif.

Comme toutes les plates-formes de la mer du Nord, zone pétrolière arrivée à maturité, Alwyn North commence à prendre de l'âge. Le site ne produit plus que 40 000 barils par jour, contre le double en 1995, à son apogée. Grâce aux technologies de pointe, le prix de revient du brut en mer du Nord est de 7,30 dollars par baril (grosso modo la moyenne des coûts techniques du groupe en 2003). La plate-forme devrait rester en activité jusqu'en 2020, soit plus de vingt ans au-delà des estimations initiales.

Colin King, le "patron" écossais, regarde la mer à travers l'unique hublot de sa cabine : "Les huiles visqueuses du Proche-Orient, c'est de la piquette, et le brent, c'est le champagne", assure-t-il. Léger, à faible teneur en soufre, le brent est très prisé pour la fabrication de l'essence, le nerf de la guerre du pétrole.

GENÈVE

Sur les cartes d'état-major, la plate-forme d'Alwyn ne représente qu'un point au crayon. Mais dans un immeuble gris parmi tant d'autres, à l'extérieur de Genève (Suisse), la somme des petits points que possède Total de par le monde constitue une formidable manne financière. "J'achète là où le prix est le plus bas et je vends là ou il est le plus haut" : tel est le leitmotiv du "trading", le négoce auquel s'adonnent toutes les compagnies.

Sur sa console, le trader de Total va d'un tableau à l'autre afin de repérer les qualités qui s'échangent sur le plan mondial, les prévisions de la météo, les mouvements des superpétroliers ou du dollar, la monnaie de référence du secteur. Sans oublier, bien sûr, l'actualité : l'Irak, l'OPEP... Etrange destinée que celle de cet opérateur : il s'use les nerfs à acheter et à vendre à terme des cargaisons de brut qu'il ne voit jamais ! Comme quoi le baril de brent a une double vie, interne et externe.

Pour des raisons de convenance, Total ne distribue pas uniquement sa production. La société vend à une autre compagnie ou à une raffinerie une partie de ce qu'elle produit, et achète à d'autres une partie de ce qu'elle commercialise. La priorité est d'optimiser les qualités et de réduire les distances de transport. Sur l'ordinateur du trader tombe par exemple la commande d'une raffinerie du groupe : tant de barils, de telle qualité, pour telle période dans telle fourchette de prix... Si cette cargaison n'est pas disponible dans la production maison, il l'achète sur le marché. Une équipe spécialisée affrète un navire pour le transport.

Et notre pétrole d'Alwyn ? Le trader décide aujourd'hui de l'envoyer à Rotterdam, aux Pays-Bas. Il sera vendu soit à un intermédiaire, soit à une raffinerie. A la vitesse d'une mobylette, le trajet par tanker entre Sullom Voe et le port néerlandais mettra une bonne semaine. De là, l'or noir poursuivra sa route par oléoduc souterrain jusqu'à une raffinerie belge.

Les bénéfices du trading pour Total ? Impossible d'avoir une réponse, car les pétroliers protègent jalousement leur butin. A l'évocation du sujet, le débit s'emballe, la voix du trader se voile : "Disons simplement que, par les temps qui courent, le négoce se porte à merveille..."

"Cette activité de négoce pour compte propre rapporte des fortunes aux compagnies, qui préfèrent ne pas en parler par peur d'être accusées de parasitisme. Or ce véritable Eldorado n'est rien de plus que du jeu légalisé", indique un observateur de la scène financière ayant pignon sur rue en Suisse. Gardée comme Fort Knox, la filiale locale du World Trade Center ne se visite pas. Fin de non-recevoir et salutations. Acheter des barils, en vendre, profiter de la différence des cours au jour le jour et des crises énergétiques comme celle que nous connaissons aujourd'hui : telle est la devise des jeunes gens qui s'agitent sur les bords du Léman. A en croire les experts, la spéculation aurait un impact de 4 à 8 dollars sur le prix. Quant aux autorités helvétiques, elles n'ont pas le mauvais goût de mettre leur nez dans cet univers secret et fermé. L'activité apparemment la plus rentable du monde du pétrole reste à l'abri des regards.

ANVERS

"Je cherche le pétrole brut qui, compte tenu de mon outil de production et de l'état du marché, va générer les meilleures marges", explique Marc Sohier, le directeur de la raffinerie d'Anvers (Belgique), qui s'approvisionne en passant par le trading genevois. Situé dans la zone industrielle, à une dizaine de kilomètres de la métropole flamande, cet énorme complexe traite chaque année 17,5 millions de tonnes de brut pour approvisionner en produits pétroliers les marchés du Benelux, du bassin rhénan allemand et des Etats-Unis. L'usine transforme le brut en produits "blancs" (carburant auto, kérosène des avions et gazole des tracteurs) ou "noirs" (fioul industriel, huiles, bitumes), sans oublier les gaz légers que sont le butane et le propane.

"Une raffinerie ressemble à un gros plat de spaghettis", estime M. Sohier en désignant de la main les bouts de tuyaux, les réservoirs ternis par l'oxydation, les vannes, les ballons, les citernes et les cheminées. Le processus de fabrication comprend trois étapes : la distillation, la conversion et la finition. A partir d'un même baril en provenance d'Ecosse sortent in fine les trois catégories de produits (blancs, noirs et gaz) en proportions diverses, selon la qualité du brut, les besoins et les techniques employées.

La salle de contrôle de cette usine employant environ 900 personnes pilote une production entièrement automatisée. S'il n'y avait pas le bruit assourdissant des fours et des deux torchères qui brûlent par sécurité le gaz non utilisé, on pourrait se croire dans un hall d'exposition high-tech. "Travailler en raffinerie peut être frustrant, car on ne voit jamais le produit, poursuit M. Sohier. Mais ceci est un gage de sécurité, car ces produits, portés à haute température, sont inflammables." Blockhaus sans fenêtre, capable de résister à une déflagration, protégé par un sas d'entrée, le QG de la raffinerie témoigne toutefois des risques du stockage.

"Sur le marché, il n'existe pas de pénurie de pétrole brut, la production étant légèrement supérieure à la demande. En revanche, il s'avère que nous avons des tensions sur certains produits raffinés. Ainsi, actuellement, l'Asie est déficitaire en fiouls industriels, les Etats-Unis en essence et l'Europe en diesel et en huiles de chauffage", souligne, pour sa part, Jean-Louis Reynaud, le responsable du raffinage pour l'Europe du Nord.

Avec la flambée des cours du brut, l'usine fonctionne à plein régime. Depuis le printemps 2004, les marges de raffinage sur le brent - 4,72 dollars par baril en moyenne depuis le début de l'année - sont confortables. Le prix de l'essence et du diesel vendus par l'unité d'Anvers aux stations-service est en effet directement lié au cours du brut.

Les soubresauts des cours à l'International Petroleum Exchange de Londres ne parviennent qu'assourdis sur les rives de l'Escaut, où la raffinerie dispose de jetées portuaires. Une bonne moitié des exportations est assurée par voie maritime, le reste par oléoduc. Amarré au quai 476, le Zephyr décharge du butane originaire du Havre, qui doit être transformé en essence. A ses côtés, le Pamir a fini de charger 38 500 tonnes d'essence. Un petit remorqueur se glisse contre ses flancs. La sirène retentit. Cap sur la Côte est des Etats-Unis... L'itinéraire du pétrole est décidément bien complexe.

RELAIS DE PHALEMPIN À SECLIN, SUR L'A1

A 6 heures du matin, un camion-citerne Renault livre 32 000 litres de gazole en provenance de la raffinerie de Dunkerque. Le "dépotage", comme on appelle dans le jargon l'opération de remplissage des cuves, a lieu dans un endroit balisé, à l'écart des pompes. Le conducteur en tenue kaki barrée de bandes réfléchissantes vide le diesel dans une bouche jaune réservée à ce carburant. Le diesel constitue 70 % des ventes de cette station très fréquentée par les routiers.

Un automobiliste s'arrête, s'empare du pistolet, fait le plein de "SP 95" affiché à 1,21 euro le litre - ce qui met notre baril à 192,4 euros (248 dollars), soit 34 fois le coût de l'extraction ! Un montant qui se décompose de la façon suivante : 18 % pour le prix du produit (incluant la marge de raffinage), 5,9 % pour la marge de distribution ; 59,7 % pour les taxes spécifiques et 16,4 % pour la TVA. "Les clients se sont fait une raison de la hausse des carburants. Sans doute parce qu'ils n'ont pas le choix", assure François Bodart, 33 ans, le gérant de cette station située à la sortie de Lille.

La concurrence des autres compagnies et des hypermarchés - qui vendent sous leur propre marque - réduit les marges bénéficiaires des pompes. Troisième pilier de l'activité de Total après l'exploitation ou le raffinage, la distribution ne représente pas grand-chose dans les bénéfices totaux. Mais qu'importe : le réseau de stations-service est d'abord la vitrine d'un pétrolier. Pour compenser le manque à gagner, elles se sont transformées en minisupermarchés où rien ne manque au rayon, pas même le sandwich minceur. Le chemin de notre baril se termine donc près d'une épicerie.

Marc Roche

• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 17.11.04

novembre 20, 2004 dans Stratégie | Lien permanent | Commentaires (20) | TrackBack (0)

How to Brand Sand revisité

97827440702661Denis Lapert, qui a animé le séminaire sur les services les 25 et 26 septembre, a réagi à l'article How to Brand Sand que j'ai inséré pour vous dans le Blog de MDI-Alger début octobre. Vous trouverez ci-après ses commentaires.
Je saisis cette occasion pour vous annoncer la sortie de 5e édition de son livre Marketing des services aux éditions Pearson, écrit en collaboration avec Chistopher Lovelock et Jochen Wirz.

Smail Seghir

Commentaires de D.Lapert

L'article : "Vendre du sable comme un produit de luxe" est intéressant à plus d'un titre car il est particulièrement clair et accessible grâce à sa structure simple. D'autre part, il aborde plusieurs concepts fondamentaux largement développés depuis sa parution :

1 Le concept de Valeur (ajoutée) est sous jacent dans cet article."Créer la valeur est l'essence même de la stratégie" (J.P. Détrie; Les Echos 28 10 2004)

L'entreprise crée de la valeur parce qu'elle réussit à proposer à ses clients des produits ou des services que ceux ci sont prêts à payer plus cher que le coût de revient. C'est donc la valeur accordée par les clients à l'offre de l'entreprise qui est le point de départ. Déduisons les coûts de ce qui est acheté à l'extérieur et nous obtenons la valeur créée par l'entreprise.

Pour accroître la valeur créée, deux voies sont alors possibles: Accroître la valeur pour le client ou diminuer les coûts fournisseurs.

La première voie privilégie l'innovation, la seconde, le rapport de force. On constate (hélas! que la seconde est souvent privilégiée)

C'est à ce niveau que l'on prend conscience de ce que peut apporter l'innovation services. En effet, en général, l'innovation en matière de services ne requiert que peu de moyens financiers contrairement à l'innovation produit.

La valorisation de la "marque" crée également une valeur perçue supérieure(branding).

2 Cet article insiste sur une segmentation de la clientèle assez connue et largement adoptée ; La pyramide client. (Plomb, Acier, Or, Platine de Zeithaml, Rust, Lemon) qui est la base de la fidélisation et qui repose sur le fait que tous les clients ne doivent pas être traités de manière identique.

3 Le concept suivant est celui de la qualité que nous avons largement développé ensemble est qui est un contributeur essentiel à la satisfaction du client, donc au fait qu'il est prêt à payer plus pour cela et pour la sécurité qui en résulte.

4 Enfin pour terminer, pensez à la "Fleur des Services qui est implicitement évoquée ici dans le chapitre relatif à la personnalisation.La Fleur des services évoque la différenciation par les services et la personnalisation est matérialisée par le pétale "exceptions".Qu'est ce qu'une exception si ce n 'est une forme de personnalisation.

Cet excellent article très riche aborde bien d'autres concepts fondamentaux pas directement en rapport avec les services, mais en rapport avec la Stratégie, la politique produit, etc...

Il me semble contenir de formidables sources d'inspirations pour les produits dont vous avez la responsabilité. Je serai heureux de contribuer à votre reflexion si vous le souhaitez.

novembre 11, 2004 dans Stratégie | Lien permanent | Commentaires (1) | TrackBack (1)

How to Brand Sand

Sand
Le séminaire sur le “Management des Services” animé par le professeur Denis Lapert les 24 et 26 septembre dernier, au titre du programme Top Management du projet Energizing Change, a montré comment un management efficace des services pouvait créer des avantages concurrentiels durables. Pour cela, il fallait en particulier faire évoluer de façon radicale la notion traditionnelle du service - compris comme une simple “transaction” - vers une vision novatrice qui privilégie la notion plus complexe de “relation”.

Dans un article récent paru dans la revue Strategy+organization, une publication du cabinet conseil Booz Allen & Hamilton, les auteurs démontrent que cette notion de relation s’appliquent aussi au marketing des matières premières (commodities). Ils donnent en même temps des recommandations très pratiques sur la façon de différentier les commodities dans le but de bâtir des marques distinctives (premium brands). Et c’est ce brand marketing qui permet de facturer ses produits à un prix supérieur (premium).

Les entreprises du secteur de l’Énergie et des Mines commercialisent essentiellement des matières premières (commodities). Aussi, il m’a semblé utile de vous proposer la lecture de cet article intitulé non sans un certain humour “How to Brand Sand ?” Vous trouverez ci-dessous une traduction libre de l’article original en anglais que j’ai faite pour en faciliter la lecture à tous. (Les références de l’article original en anglais sont données à la fin du texte).

Si vous avez la patience d’aller jusqu’au bout de cet article - que je trouve d’une exceptionnelle actualité - les auteurs vous proposent un simple test pour évaluer dans quel type de marché vous vous situez ; et d’en tirer pour vous-mêmes les conséquences en termes de brand marketing.

J’apprécierais beaucoup si vous pouviez me faire part de vos commentaires… et me dire dans quel type de marché de vous vous situez !


Smaïl Seghir


Comment Vendre du Sable comme Produit de Luxe
Sam I. Hill, Jack McGrath, et Sandeep Dayal

Dans les marchés de matières premières (commodities), le prix constitue souvent le seul élément de différentiation. Mais si vous pouvez commercialiser ces produits en les accompagnant de services, vous arriverez même à vendre du sable et des briques à des prix bien supérieurs. Voici comment transformer des matières premières en marchandises premium (branded goods).
"Bien sûr, la saleté n’est pas seulement de la saleté," affirme ce responsable du marketing pour de la terre diatomacique, un produit minéral crayeux utilisé comme agent filtrant et absorbant et vendu à une vaste gamme de clients, allant des exploitants de carrières aux grosses multinationales de l’agro-alimentaire.

Ceci est particulièrement vrai du point de vue du client – et de n’importe qui d’autre qui tente de vendre un produit qui paraît non différentiable des autres produits que commercialisent d’autres fournisseurs. Mais on s’aperçoit que ce point de vue n’est pas partagé par tous les utilisateurs.

En effet, quand on a affaire à des matières premières (commodities), la difficulté pour le marketing c’est de prouver que telle poignée de saleté est meilleure, et rapporte plus à l’utilisateur, que telle autre poignée de saleté. C’est là une question d’argument marketing qui peut se traduire autant par la façon dont la saleté est emballée, expédiée et utilisée que par la qualité réelle et les caractéristiques de la saleté. Quoiqu’on prenne en compte, c’est là une tâche que le marketing doit accepter – et être prêt à prendre en charge avec un sens aigu des besoins différentiés des clients et des prix correspondants sur un marché donné.

Dans cet article, nous nous intéressons au problème des responsables de marketing qui agissent sur les marchés de matières premières (commodity marketers). Les commodités est un terme qui est souvent utilisé de façon large – pour designer aussi bien les marchés caractérisés par d’intenses pressions sur les prix que les stratégies utilisées par les entreprises qui sont en compétition sur la base des coûts bas/prix bas.

Nous utiliserons le terme "commodités"pour faire référence à un groupe particulier de produits et de marchés – des produits faiblement différentiables ou des services avec un haut niveau de substitution avec la recherche systématique de prix bas. Alors que plusieurs marchés offrent ce type de produits, nous avons limité cette discussion à ceux qui figurent dans la catégorie qu’on appelle traditionnellement produits à faible contenu technologique.

Jusque là, les entreprises qui opèrent dans de telles conditions sont plutôt frustrées par les théories classiques du marketing. "Quatre-vingt dix pour cent des livres de marketing parlent du marketing client," nous dit Richard Morford, manager général à la division pneumatiques et produits chimiques chez Rhône Poulenc S.A. "Nous avons arrêté d’envoyer nos executives dans les business schools. Il est frustrant de constater qu’on y apprend comment faire le marketing du bain de bouche Listerine et de voir que ce qui réellement nous intéresse est laissé de côté."

Le temps est venu de s’attaquer à cette question. Au cours de la décennie passée (les années 80), dans leurs efforts pour réduire les coûts, beaucoup d’entreprises industrielles ont été amenées à réduire, voire éliminer, leurs capacités marketing. Les récentes initiatives pour rétablir l’accent sur le marketing ne devraient pas se traduire par le simple rétablissement de leurs anciennes organisations marketing, avec leur approche des ventes du type transaction. Au contraire, elles devraient saisir l’opportunité de création de capacités marketing modernes pour mieux comprendre les besoins des utilisateurs, mettre au point et communiquer de nouvelles offres pour répondre à ces besoins ; et ensuite, mettre en œuvre des stratégies de prix rationnelles qui reflètent complètement le vrai coût de service (cost-to-serve).

Dans cet article, nous esquissons une approche pas à pas pour développer une stratégie marketing adaptée aux fournisseurs de marchandises faiblement différentiables.

Notre approche est fondée sur le "branding," ce qui veut dire créer une relation mutuellement acceptée entre le fournisseur et l’acheteur qui transcende les transactions isolées ou des besoins spécifiques. Il est reconnu que c’est là une tâche très difficile. Mais les entreprises qui ont réussi à adopter cette approche ont pu obtenir des parts de marché supérieures et des niveaux de prix élevés ; et cela, même sur des marchés où les conditions n’étaient pas particulièrement favorables.

LES QUATRES ÉTAPES DU BRANDING

Nous proposons une approche en quatre étapes pour réussir le branding des commodités :
• Premièrement, quadriller le marché sous tous les angles – rentabilité, besoins, comportements – pour pouvoir identifier les utilisateurs qui seraient sensibles à la différentiation.
• Deuxièmement, différentier votre offre dans l’une des six dimensions "génériques" de la différentiation.
• Troisièmement, assembler plusieurs différentiations dans une marque, puis communiquer dessus de façon cohérente et forte.
• Quatrièmement, mettre en phase vos compétences pour renforcer et défendre votre marque et les sources sous-jacentes de différentiation.

QUADRILLER LE MARCHÉ !

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Quadriller le marché est la première étape critique du processus. Les markéticiens de commodités qui savent qui est prêt à payer pour de la différentiation, combien on peut investir dans le processus de différentiation et quels sont les bénéfices qui sont valorisés par les utilisateurs peuvent commencer à bâtir une marque. Ceux qui, au contraire, appliquent des approches au coup par coup verront leurs budgets se tarir avant même d’avoir engrangé les résultats espérés.

Les markéticiens de commodités efficaces doivent commencer par reconnaître qu’il n’existe pas de marché véritablement homogène. Un des grands géants de l’agrobusiness est arrivé à la conclusion qu’il avait une affinité naturelle avec certains clients, fondée sur la géographie, la qualité, des relations long terme et une compatibilité de valeurs. D’un autre côté, les responsables de cette entreprise ont conclu que certains clients ne seront jamais à l’aise avec eux – au point où ils en sont arrivés à “licencier” des clients quand il était devenu évident que la sauce ne prenait pas avec eux.
Ces responsables avaient raison – certains clients sont tout simplement indifférents aux actions de marketing et constituent une perte de temps. Le processus qui consiste à identifier les bons clients, c’est ce que nous appelons "quadriller le marché."

Quadriller le marché va plus loin que la segmentation traditionnelle. C’est un processus réfléchi qui consiste à trouver les clients qui ont besoin, apprécient et sont prêts à payer la différentiation. La première étape consiste à conduire une segmentation rigoureuse des comportements sur le marché. Ce qui est différent des approches traditionnelles basées sur les caractéristiques démographiques ou psychographiques ; au lieu de relier le comportement des clients à leur comportement d’achat, on examine les profils réels d’achat. De ce point de vue, notre recherche nous a amené à identifier trois classes distinctes de clients :

1. Clients “Gold Standard” – Ce sont les clients dont les préoccupations vont bien au-delà de la seule fixation d’un prix minimum. Ils sont prêts à payer un premium pour des offres supplémentaires qui leur donnent une vraie valeur ajoutée en termes d’amélioration de process, de réduction de coûts ou de bénéfices pour l’utilisateur final. Cette classe de clients représente une faible proportion, quelque part entre 5 à 25 pourcent du marché total. Nos travaux nous ont révélé que dans l’industrie du revêtement d’acier cette catégorie de clients représente 8 pourcent du marché total ; alors que la proportion est de 22 pourcent sur certains marchés dans l’industrie chimique.

Prenons l’expérience de la compagnie Australian Wheat Board, qui sonde les marchés internationaux à la recherche d’acheteurs intéressés par du blé de grande qualité qui obéit à un certain nombre de caractéristiques très spécifiques. Alors que la plupart des acheteurs de blé ont besoin d’un blé qui remplit deux ou trois spécifications, les acheteurs exigeants comme les Japonais peuvent aligner une liste de 20 spécifications. En recherchant les clients les plus exigeants, et en répondant exactement à leurs exigences par des fournitures de produits difficiles à trouver, Australian Wheat Board a été capable d’extraire un premium sur un marché où la concurrence est fondamentalement basée sur les prix.
Les vrais clients “Gold Standard” sont intéressés par les relations long terme, les partenariats stratégiques avec des niveaux multiples d’interactions client. Ce sont ces clients que recherchent les markéticiens de commodités comme notre géant de l’agrobusiness. "Nous sommes en train de connaître une révolution dans notre façon de sélectionner nos clients, passant moins de temps dans les transactions et entrant dans des formules de partenariats" nous dit le responsable marketing d’un grand minotier.
Bien sûr, même les clients “Gold Standard” sont exigeants - souvent encore davantage que les autres segments de marché. Cependant, ils sont prêts à payer pour leurs exigences particulières.

2. Les Potentiels – Les clients “Potentiels”, un grand segment du marché faisant généralement entre 30 à 45 pourcent, mettent davantage l’accent sur le prix ; mais sont occasionnellement prêts à accepter la notion de relations sélectives impliquant certains produits ou services. Les clients dans ce segment montrent un certain intérêt pour les formules de partenariat, bien qu’ils évitent les engagements à long terme.

Cette catégorie inclue souvent des contrôleurs de gestion traditionnels. Parce qu’ils sont concernés par le coût final, il est possible à l’occasion de les intéresser aux opportunités de réduction des coûts de transaction, par exemple les coûts de transport ou de rupture de stocks. Tout manager sensible au risque, au lieu de se focaliser exclusivement sur le prix, veut aussi éviter les ruptures d’approvisionnement.
Dès lors qu’il est possible de prolonger la discussion au-delà du prix, alors le potentiel pour la différentiation peut être exploité.

3. Les Incorrigibles – Quoi que vous fassiez, ces clients ne sont pas prêts à vous aimer. Vous pouvez louer leur affection, mais seulement jusqu’au moment où votre budget le permet. Ces clients ne réfléchissent pas en stratèges. Ils sont fermement focalisés sur un objectif unique : faire le meilleur deal sur la transaction en cours.
Les clients “Incorrigibles” sont de purs acheteurs de prix, qui traitent les fournisseurs comme des ennemis et se focalisent exclusivement sur le prix offert. Ils sont prêts à changer de fournisseur à la vitesse de la lumière même pour un différentiel de prix insignifiant. Non seulement c’est souvent une perte du temps de faire du marketing auprès de ces “tireurs de prix vers le bas”, il est même parfois inutile de les avoir comme clients ; leur grand intérêt c’est la possibilité de les “refiler” comme cadeau aux concurrents !
Malheureusement, les “Incorrigibles” constituent la moitié du marché, ou davantage, dans beaucoup de marchés de commodités. Ils sont tellement présents que pas un fournisseur ne pourra sérieusement songer à les “licencier” tous.

La segmentation comportementale du marché est la première étape pour comprendre le potentiel clientèle, ce qui est le plus important. Les markéticiens ont aussi besoin d’analyser jusqu’à quel point les clients contribuent vraiment à leur rentabilité, plutôt que de rogner les bénéfices en payant juste le coût du service. Chez un fournisseur européen de commodités, 45 pour cent des clients représentaient le total des profits tandis que le reste des clients coûtaient de l’argent à l’entreprise.
Le résultat de ces segmentations est une short list de clients autour desquels le marketing a un réel impact.
L’étape ultérieure consiste à regarder de très près les besoins de ces clients. Le fournisseur devrait pousser son analyse jusqu’aux besoins que les clients ne seraient pas capables de formuler ou même de comprendre. Ce qui veut dire comprendre non seulement les besoins du client direct, mais souvent aussi ceux de l’utilisateur final, ou ce que nous appelons le“ vrai utilisateur”. Cela devient nécessaire quand l’acheteur direct -- quelqu’un qui peut être interne ou externe et qui est différent du vrai utilisateur -- agit comme un intermédiaire et n’est pas capable d’apprécier toutes les nuances qui sont en jeu dans l’utilisation finale de la commodité. “Se rapprocher du client” est devenu aujourd’hui un cliché, mais on ne doit pas ignorer le concept qui le sous-tend. Comprendre les besoins du client exige la proximité.

Dans les années 1980, la Mogul Corporation, qui fait partie de la Nalco Chemical Corporation's Specialty Division, vendait ses produits chimiques pour le traitement des eaux dans deux segments de marché : celui des chaudières et celui des tours de refroidissement. Pendant plusieurs années, Mogul ne regardait le marché que de ce seul point de vue. L’érosion progressive de ses parts de marché a forcé l’entreprise à regarder de manière plus fine le marché.

En analysant les besoins des utilisateurs, Mogul a découvert qu’ils achetaient les produits chimiques pour trois raisons essentielles : pour améliorer la qualité de leurs process, pour accroître la sécurité et pour rendre moins coûteux ces process. Compte tenu de la grande diversité de leurs opérations et de leurs produits finaux, les 2.500 clients de Mogul atteignaient ces trois objectifs à travers des méthodes spécifiques. Mogul s’est rendu compte qu’en combinant son offre de produits chimiques avec de l’assistance technique pour leur meilleure utilisation, il pouvait convertir ses acheteurs en véritables partenaires prêts à payer un premium pour la valeur ajoutée qu’apporte l’opportunité de modifier la demande des utilisateurs finaux.

Rhône-Poulenc a fait à peu près la même expérience, toujours dans les années 80. Dans un dernier effort pour rajeunir un business de produits à base de silice qui marchait mal, les chercheurs de Rhône-Poulenc ont développé une silice hautement dispersive, ou silice HDS, destinée aux pneus d’automobiles, qui permettait pour la première fois de diminuer la résistance au roulage sans diminuer la traction sur route mouillée. En fin de compte, la HDS a pu être vendue avec un premium de 75 pourcent par rapport aux silices ordinaires. Et comme les normes d’efficacité de consommation de carburant pour les flottes sont devenues plus contraignantes aux Etats-Unis, Rhône-Poulenc a pu passer des accords de long terme avec les plus grands fabricants pour la fourniture de silice HDS. Ses clients utilisent désormais la silice HDS pour fabriquer des pneus qui donnent jusqu’à 9 pourcent d’efficacité supplémentaire de consommation de carburant par rapport aux pneus avec de la silice ordinaire.

Voici comment l’entreprise a pu vendre du sable comme un produit de luxe !

DIFFÉRENTIEZ !

La différentiation dans les commodités doit être tangible, solide et capable de soutenir un examen minutieux. L’offre dont on veut faire le marketing doit améliorer de manière significative un ou plusieurs aspects de la chaîne de valeur du client de manière telle que vos concurrents ne pourront pas vous égaler.
Cela exige de pouvoir développer une source de valeur tangible et unique – en termes de technologie, d’engineering de support, de distribution, ou d’utilisation particulière de la commodité pour l’utilisateur final. Une fois mise en place, cette source de valeur différentiée sera difficile à être copiée par la compétition. En outre, si le fournisseur est capable d’assembler plusieurs sources de différentiation dans une même offre intégrée, le challenge sera autrement plus grand pour les concurrents.

Il y a toujours plusieurs façons de différentier, aussi bien dans la façon de créer la valeur supplémentaire que vous apportez que dans la manière dont vous la rendez disponible pour les clients. Dans les commodités, on crée de la valeur en améliorant la consistance de l’offre, la rendant plus commode ou en personnalisant de manière agressive son utilisation dans les opérations du client. La valeur peut être offerte soit dans le produit lui-même, soit à travers l’amélioration des services d’accompagnement. La figure I montre ce qu’on obtient lorsqu’on combine les deux dimensions.
Le résultat de cette combinaison c’est ce que nous appelons les six voies “génériques” de la différentiation.

1. Contrôle de Qualité : créer de la Valeur par la Constance de la Qualité du Produit...

2. Fiabilité : créer de la Valeur par la Constance du Service. Durant la dernière décennie, de nouvelles normes ont eu pour de modifier de manière significative les comportements chez les acheteurs de produits chimiques industriels, par exemple. De plus en plus de clients comprennent aujourd’hui l’importance de la fiabilité tant dans la qualité des produits, dans l’approvisionnement que dans les services d’accompagnement. Ils encouragement leurs fournisseurs à bien comprendre leur chaîne de valeur – et celles de leurs propres clients – de façon à pouvoir mettre en place des partenariats qui créent de la valeur sur le long terme.

La Dow Chemical Company a été l’un des premiers fournisseurs à avoir capitalisé sur cet intérêt grandissant pour la valeur. Vers la fin des années 80, elle a développé un service, le "The Diamond Service Plan," à travers lequel la compagnie garantissait une réponse en moins de 24 heures à toute question posée par un client ou problème impliquant ses produits chimiques. Pour cela, Dow a mis en place une infrastructure qui lui permet de fournir – dans les délais annoncés – une large gamme de supports techniques concernant ses produits et leur utilisation.

Ce service lancé par DOW a eu un énorme succès. Un succès qui s’est traduit par un accroissement des parts de marché, une plus grande fidélisation de la clientèle et des prix plus élevés pour ses produits. Grâce à ce service et les partenariats auquel il a donné naissance, Dow a pu augmenter le taux d’utilisation de ses capacités de production tout en en réduisant la complexité ; ce qui s’est traduit par une réduction des coûts et des marges plus importantes. De plus, en investissant dans une infrastructure qui fournissait un service unique, Dow a réussi à proposer une offre de valeur que ses concurrents n’ont toujours pas pu égaler.

3. Packaging : créer de la Valeur à travers la Commodité du Produit. Une qualité et un service réguliers, bien qu’essentiels, constituent seulement la forme basique de la différentiation. Ajouter la commodité à la régularité, c’est se donner une dimension supplémentaire à son offre, la rendant plus difficile à imiter par les concurrents.

Habituellement, les producteurs d’épices vendent leurs épices dans de petits sachets aux fabricants de nourriture pour chiens. Bien que la nourriture pour chiens soit mélangée dans d’énormes cuves industrielles, les ouvriers devaient mesurer manuellement les doses d’épices dans la nourriture parce qu’ils les recevaient dans des quantités trop petites pour être mesurées par un quelconque équipement industriel. Ce processus, en même temps lent et lourd, se traduisait immanquablement par des pertes substantielles.

C’est alors qu’un des producteurs a eu l’idée de faire des mélanges pré-mesurés qu’il incorporait aux sacs de farine. Le nouveau packaging éliminait du coup la nécessité pour le client de faire la moindre mesure – emballé avec la farine, l’assaisonnement arrivait en quantités suffisamment importantes pour pouvoir être mesuré et mélangé de façon industrielle, plutôt que par les ouvriers. Le producteur est ainsi arrivé à différentier de façon efficace son offre en revoyant son packaging pour s’adapter au processus de production des clients.

4. Assumer des Responsabilités : créer de la Valeur à partir d’un Service plus Commode. Ëtre capable d’approvisionner les clients aussitôt qu’ils en font la commande est une bonne chose. Pouvoir les approvisionner de façon automatique avant même que le client n’ait fait la commande est encore mieux.

5. Assortir : créer de la Valeur à partir de la Personnalisation du Produit. Le marché du blé constitue un bon exemple de sélection de clients -- les clients Gold Standard dont nous avons parlé plus haut – qui sont prêts à payer un prix supérieur à un fournisseur qui est capable de leur donner exactement les spécifications de la commoditiy qu’ils désirent.

En raison des caprices de la nature, il est impossible de garantir les caractéristiques précises d’une récolte de blé. Les variations de qualité qui en découlent - comme le pourcentage d’humidité par exemple – peuvent se traduire par des différences pour les clients finaux, comme les boulangers ou les fabricants d’aliments. Mais ces variations tendent à devenir des différences assez subtiles – et non importantes – pour les minotiers qui achètent du blé par containers de 55.000 tonnes. Pour la plupart d’entre eux, les facteurs déterminants sont le prix et la disponibilité. Et l’avantage de prix est souvent ce qui compte chez les producteurs largement subventionnés d’Amérique et d’Europe.
Mais pour certains acheteurs – les Japonais en particulier – des variations qui paraissent mineures ont une importance considérable. Leurs achats doivent répondre à des exigences précises et à une longue liste de spécifications. Le Wheat Board australien, contraint de s’aligner aux compétiteurs internationaux sur les prix, offre au Japonais et à d’autres acheteurs hautement sélectifs des produits très personnalisés. Utilisant des moyens informatiques pour contrôler le contenu précis du blé dans tous ses 1.500 silos en Australie, le Wheat Board est capable de déterminer avec une grande précision la demande particulière des Japonais. Avec ce type de client, le Wheat Board gagne jusqu’à 2 Dollars supplémentaires par tonne dans un marché pourtant connu pour ses marges faibles.

6. Applications Basées sur le Savoir : créer de la Valeur à partir d’un Service Personnalisé. La forme la plus poussée de différentiation nécessite de s’impliquer profondément dans les opérations du client. Une connaissance étendue des process du client peut être utilisée pour créer une valeur substantielle et poser les premiers jalons vers des relations de partenariat long terme.

Tout à l’heure, nous avions vu comment la vision communément acceptée du marché par la compagnie Mogul -- segmenter le marché entre les chaudières et les tours de refroidissement -- était trop superficielle. Chacun des clients de Mogul utilisait les produits chimiques Mogul dans des processus particuliers pour aboutir à des applications spécifiques. Avec le temps, Mogul a commencé à composer des systèmes comprenant des produits chimiques, des équipements et des services, segmentés par type d’industrie, pour aider chaque client à atteindre l’objectif désiré ; et cela, en améliorant la qualité, en augmentant la sécurité et en diminuant le coût du process.

Par exemple, à l’intérieur de leur portefeuille dans l’industrie alimentaire, les managers de Mogul combinaient des solutions peu coûteuses pour les fabricants de produits laitiers, de jus de fruit et de chips de pommes de terre. En combinant des solutions industrielles modulaires avec des configurations de sites particulières, Mogul est arrivé à mettre au point des solutions spécifiques aux clients, qui étaient alors stockées dans des bases de données facilement accessibles à leurs représentants sur le terrain. Mogul offrait des primes à ses représentants pour produire et mettre au point leurs propres systèmes de solutions, fondées sur les situations réelles rencontrées sur le terrain. Avec le temps, les bases de données ont commencé à croître pour permettre un accès par Internet, donnant la possibilité de les assimiler facilement et de personnaliser les solutions pour les nouveaux clients. Le stockage de ces informations critiques, et la technologie qui va avec, sont devenus une différentiation clé pour Mogul en même temps qu’un avantage concurrentiel décisif.

ASSEMBLEZ !

Définir et servir un attribut différentié qui procure une réelle valeur pour le client est une chose essentielle, mais non nécessairement suffisante. Souvent, un seul attribut – une qualité ou un service consistants, par exemple – peut être égalé, ou à tout le moins neutralisé par des compétiteurs astucieux. Une différentiation qui est attachée à un produit spécifique est une façon bien insuffisante pour faire du “branding”. Idéalement, faire le branding d’une commodity est associé avec une offre globale – incluant le produit avec diverses formes de différentiations – plutôt que dans un produit particulier. Le but c’est de combiner de multiples sources de différentiation – puis de se battre férocement pour que les compétiteurs ne puisent pas les désassembler.

Au bout du compte, le but consiste d’abord à bâtir une forte identification de marque avec un assemblage d’offres intégrées, puis d’étendre le concept de marque à toute l’entreprise de façon à mobiliser toutes les opportunités d’influer sur le marché. Les gens qui font le marketing des produits chimiques et minéraux de Du Pont comprennent bien qu’ils ont un avantage considérable dû à la réputation de la compagnie en termes d’innovation, fiabilité et stabilité. Même s’il n’y avait rien d’innovant dans un produit particulier qu’il serait amener à commercialiser, “les gens nous l’achèteraient quand même parce que nous sommes de chez Du Pont”. C’est cela même le branding d’une commodity.

L’objectif du branding institutionnel consiste à créer des relations avec la clientèle qui soient denses et profondes – plus denses que les relations traditionnelles entre un vendeur et un responsable des achats, et plus profondes que l’attachement émotionnel d’un adolescent pour une marque particulière de jeans. S’agissant des relations dans le domaine des commodities, les liens émotionnels sont remplacés par des buts partagés et des valeurs communes. Par exemple, un des grands fournisseurs de l’agrobusiness affirme que lorsqu’il est au coude à coude avec les compétiteurs, ce qui fera la différence ce sont “l’éthique et la culture”.

Le marketing de marque exige de multiplier les points de contacts entre les entreprises de façon à ce que les deux partenaires trouvent des voies mutuelles pour créer de la valeur à travers une mise en ligne des process, des applications et des aptitudes. Cela demande une vision entièrement nouvelle des relations qui doit remplacer la simple transaction, une offre globale plutôt que des produits, des primes plutôt que des remises. "Les relations qui se limitaient à un contact d’homme à homme, s’étendent désormais à toute l’entreprise ; que ce soit celle du fournisseur ou celle du client," affirme un directeur du marketing d’un grand groupe dans l’agrobusiness.

Cela nécessite aussi une communication efficace autour de la marque. Mais des années d’expériences décevantes, dues à l’utilisation des méthodes coûteuses de marketing de produits grands public, ont rendu les fournisseurs de commodities plutôt circonspects. Á un point tel que certains ont développé une aversion quasi pathologique pour la communication en général, et à la communication publicitaire en particulier.
Bien ciblée, une communication astucieusement focalisée peut se révéler très efficace sur le marché des commodities ; sauf qu’elle ne ressemblera pas à la communication publicitaire de masse que beaucoup de fournisseurs de commodities associent trop facilement au marketing de marque. La clé consiste à communiquer clairement la valeur, en utilisant plus des arguments économiques plutôt qu’émotionnels.

Prenons le cas de la résine polyéthylène, une commodity utilisée dans la fabrication de produits plastiques allant des sacs poubelle aux sacs de congélation. Les tests faits par Du Pont ont montré que les tubes fabriqués à partir de sa résine Alathon 25 duraient cinq % de plus que les produits concurrents. Mais en dépit d’une chute continuelle du prix des tuyaux, Du Pont n’a jamais pu convaincre les fabricants de tubes de payer un premium pour son produit.
En réponse, Du Pont a lancé un vaste programme de formation de ses clients sur la vraie valeur de sa résine supérieure. Pour cela, il a produit une analyse détaillée des coûts comparatifs impliqués dans l’installation et l’entretien des tubes d’irrigation fabriqués avec de l’Alathon, comparés à ceux utilisant les résines ordinaires des concurrents. Les économies directes résultant du taux de remplacement plus faible se sont révélées plutôt faibles. Les vraies économies -- 10 fois plus pour les nouveaux tubes – venaient des coûts moindres de main d’œuvre et de moins de récoltes endommagées dues au remplacement plus fréquent des tubes. Au bout du compte ; Du Pont a pu accroître le prix de l’Alathon de 7 pourcent, ce qui s’est traduit par un premium global de 38 %, alors que les ventes doublaient l’année suivante.2

1 Rangan, V. Kasturi, "Segmenting Customers in Mature Industrial Markets: An Application," Harvard Business School, Case Study 9-594-089 (May 9, 1994).
2 Nagle, Thomas T., and Holden, Reed A., "Strategy and Tactics of Pricing" (Prentice Hall, 1995), pp. 107-114.


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SERVIR !

Extraire des prix premium à partir d’une offre différentiée exige du fournisseur qu’il concrétise effectivement la promesse de valeur supplémentaire. C’est pourquoi l’exécution est critique ; le fournisseur doit disposer des systèmes et processus requis pour servir l’offre dont il fait le marketing. Il devra aussi mettre en place les systèmes qui lui permettent de ne pas servir les clients qui ne sont pas prêts à payer le premium. Le Wheat Board australien doit être capable de localiser et de servir le blé de haute qualité qu’il promet. Les pneus contenant la résine HDS de Rhône-Poulenc doivent prouver leur plus grande efficacité en matière de consommation de carburant. Et les tubes d’irrigation de Du Pont fabriqués à partir du polyéthylène Alathon 25doivent durer plus longtemps et produire les économies de remplacement annoncées.

Lorsque des acheteurs de commodities paient pour un produit premium, la valeur attendue ne doit pas se réduire à une peau de chagrin. La valeur doit être réelle et tangible ; parce qu’elle doit pouvoir être constamment mesurée et réévaluée par les clients. D’un autre côté, si le client paye pour un produit de haute qualité avec un haut niveau de service, il veut en avoir exactement pour son argent. Aussi, les systèmes de gestion interne doivent-ils imposer une discipline qui garantie qu’on ne sert pas le client au-delà de ses attentes.

Les changements qu’on doit apporter aux capacités des entreprises ne se limitent pas à la production et à la logistique. Ils concernent davantage le côté “soft” – le management du client. Employer des forces de vente traditionnelles pour faire le marketing d’une commodity premium c’est l’illustration parfaite du principe de Pogo : "Nous avons rencontré notre ennemi… et il est en nous." (Principe rendu familier par Pogo, le héros de la fameuse bande dessinée de Al Capp).

Le brand marketing nécessite une rééducation massive, l’introduction de nouvelles valeurs et des systèmes de motivation sur mesure. Traditionnellement, les vendeurs de commodies ont deux soucis : le volume et la transaction immédiate. Leur tactique de base c’est de renforcer leur relation personnelle avec leur client. Pour sceller la transaction, ils sont prêts à offrir pratiquement n’importe quoi, allant jusqu’à la formule : "Je sais ce que disent les bordereaux de prix, mais voilà le sacrifice que je fais pour vous." Cette approche peut se révéler catastrophique lorsqu’on l’applique au brand marketing. Avec une vitesse alarmante, les vendeurs vont être amenés à désassembler votre offre globale. Ils vont éroder vos premiums. Ils vont offrir des remises injustifiées. Abandonnés à eux-mêmes, ils vont détruire votre marque plus vite que tout effort pour la reconstruire de nouveau.

Il existe peu de questions aussi problématiques pour les markéticiens de commodities que la fixation des prix. "Je connais peu de markéticiens de commodities qui vendent sur la base de la valeur," nous disait le directeur général d’un grand fournisseur européen de produits chimiques. "C’est comme un concept qui nous est étranger." La norme dominante, au contraire, c’est une surenchère à couteaux titres visant à accroître le volume.

La mentalité traditionnelle de fixation des prix sur les marchés de commodities nous dicte le principe selon lequel tous les clients devraient payer le même prix, avec des modulations raisonnables pour tenir compte du volume et des coûts de transport. Cette vision du marché est complètement fausse. La notion selon laquelle tous les clients de commodities faiblement différentiées doivent payer le même prix est un mythe. Par exemple, dans l’un des segments de marché pour une commodity donnée, notre analyse menée sur 100 clients, a montré que 61 pourcent d’entre eux payaient un prix qui variait dans une fourchette de plus de 10 pourcent autour du prix moyen. Dans certains cas, des clients qui achetaient des volumes comparables payaient un prix qui est le triple, voire le quadruple, du prix de base. Et en général, les plus grosses remises profitaient davantage aux acheteurs de volumes faibles.

Il peut arriver que des fournisseurs de commodities aient l’habitude de fixer un large spectre de prix ; mais la logique qui est derrière ces variations n’est pas toujours évidente. Un système de pricing décidé au petit bonheur ne peut pas faire office d’une stratégie de marque à long terme. Faire le marketing d’une branded commodity implique la mise en œuvre de principes de pricing fondamentaux.

Premièrement, le fournisseur de branded commodities doit constamment être au fait des coûts réels de la différentiation. Les fournisseurs de commodities, plutôt que de risquer la perte d’un client en demandant un prix premium, offrent souvent un service qu’on leur demande. Avec le temps, ils augmentent de façon incrémentale leur offre mais sans en extraire une différentiation bien nette. Au bout du compte, cela peut mener à la ruine. Faire du branding efficace exige de pouvoir calculer de façon précise le coût d’initialisation, de fourniture et de support de l’offre.

Deuxièmement, il est essential pour les fournisseurs de maîtriser la valeur même dans le cas de faibles différences. Comme nous l’avons vu dans le cas des tubes d’irrigation de Du Pont, 5 pourcent de différence dans la durabilité ne semblait pas être significative – jusqu’à ce que les clients soient formés sur les coûts plus substantiels associés au remplacement des tubes enterrés sous les champs cultivés.

Le troisième principe est lié intimement au second : la compréhension de la vraie valeur de l’offre en termes d’avantages pour les opérations du client et son aptitude à faire le basculement. Par exemple, un fabricant de briques réfractaires demandait un prix premium pour des briques de haute qualité. Mais ce premium faisait pale figure devant le coût énorme de dépose d’un four pour entretien suite à l’utilisation de briques de moindre qualité.

Nous avons déjà largement discuté du quatrième principe, mais il est utile de le marteler une deuxième fois : Ne permettez pas qu’on désassemble votre différentiation, aussi bien par vos compétiteurs que par votre propre force de vente. Car l’assemblage de l’offre (bundling) c’est le cœur même de la stratégie de marque.

Cinquièmement, les markéticiens efficaces doivent être préparés pour faire continuellement des arbitrages complexes entre le volume et le prix. Ce qui veut dire, occasionnellement, abandonner de façon délibérée une part de marché lorsque les conditions sont mauvaises ; puis agir agressivement pour regagner les parts de marché lorsque les conditions sont meilleures. Cela nécessite une approche dynamique, au jour le jour, que le Wheat Board australien appelle le "marketing de guérilla" -- qui revient à roder sur les marchés mondiaux à la recherche d’opportunités qui valorisent vos avantages, et refuser les combats où le coût de la victoire paraît trop élevé.

En fin de compte, une stratégie de pricing efficace exige du fournisseur de maintenir une stricte discipline de marché – une approche non émotionnelle, délibérée et qui permet d’éviter les guerres de prix. Cela suppose une analyse détaillée de ce que font les compétiteurs, et pourquoi ils le font, de façon à éviter de mal interpréter les messages qui pourraient laisser croire à un phénomène ponctuel ou à une aberration géographique plutôt qu’à une volonté délibérée de la direction générale de casser les prix. Il est indispensable de pouvoir éviter d’être pris de panique par une guerre de prix qui met à mal la stratégie long terme.


CONCLUSION

Pour faire court, nous croyons possible de vendre du sable comme un produit de luxe. Pour ceux qui montrent de la curiosité pour cette possibilité mais restent sceptiques sur le résultat, ils auront de bonnes surprises. En nous fondant sur nos recherches, nous pouvons prétendre que vous pouvez vendre du sable comme un produit de luxe, comme vous pouvez le faire avec du blé, du bœuf, des briques, du béton, des produits chimiques et une infinité d’autres commodities qui sont traditionnellement considérées immunisées contre le processus de branding.

De plus, on peut aboutir à de résultats consistants en développant des “marques premium”. Souvenons-nous des 2 Dollars supplémentaires par tonne que le Wheat Board australien a pu récolter.
Mais le marketing des commodities n’est pas chose aisée. Nos recherches ont montré que si un marketing efficace pouvait générer des revenus élevés, un marketing inefficace est pire que pas de marketing du tout.

Si l’on prend en compte l’économie du business des commodities, la marge d’erreur est particulièrement mince. Prenons l’exemple d’un fournisseur de commodities comme la farine, les marges nettes se situent dans la fourchette des 5 pourcent. L’industriel qui achète cette farine pour en faire des céréales pour petit-déjeuner fait généralement des marges de l’ordre de 35 pourcent. Si le fabricant de céréales passe beaucoup trop de temps qu’il ne devrait pour ses ventes, c’est dommage pour lui mais non catastrophique. La même erreur faite par le fournisseur de farine peut démolir ses marges.

La clé c’est d’appliquer une approche disciplinée et délibérée qui commence par le marché ; c’est-à-dire, comprendre comment créer de la valeur, la servir et, plus important encore, trouver comment la faire payer au client. Pouvoir être payé pour la valeur nécessite un effort de branding qui va en élargissant la relation au-delà de la simple transaction pour toucher toute l’entreprise.

3Narver, John C., and Slater, Stanley F., "The Effect of Marketing Orientation on Business Profitability," Journal of Marketing, October 1990.

Un Auto-Test pour les Commodities

"Les marchés de commodities" est une formulation tellement utilisée qu’elle en devient sans réelle signification. Plutôt que de chercher à débattre de la définition, nous vous proposons le test suivant : Quel est, s’il en est, parmi ces cinq caractéristiques celle qui s’applique le mieux au marché dans le quel vous opérez ? 1. Vos clients évaluent de façon attentive chaque achat. Dans certains marchés, les clients achètent de façon automatique et font très peu, voire aucune évaluation. Par exemple, à l’une des extrémités, on a les clients qui consacrent en moyenne 11 secondes à une décision d’achat typique dans un supermarché, selon une étude réalisée en 1979. Cet achat fait partie de la centaine d’achats que le client fait chaque semaine, auquel il accorde peu de considération consciente
Même si les clients en ont le temps et l’inclination, peu d’entre eux possèdent les ressources ou les capacités techniques pour pouvoir comparer de façon précise des offres concurrentes. En fait, le client paye le luxe de ne pas avoir à réfléchir à son acte d’achat. C’est la marque qui lui donne les clés instantanées – meilleure qualité, prix bas, service fiable – le déchargeant de l’effort de peser systématiquement le pour et le contre de chaque décision d’achat.
Au contraire, les acheteurs de commodities possèdent non seulement les ressources et les capacités mais aussi la motivation pour évaluer chaque achat. Le facteur de risque qui est en jeu dans chacun de leur achat dépasse très largement les risques auxquels sont confrontés les consommateurs, et justifie pleinement les investissements qu’on y injecte en termes d’attention.

2. "Le vrai client " est anonyme. Votre produit est acheté par un acheteur, ou par son agent, qui n’est pas l’utilisateur final du produit et qui peut ne pas saisir les différences subtiles mais importantes. Par exemple, dans le cas du Wheat Board australien, qui est dans le business de la fourniture de blé de haute qualité, les différences dans les caractéristiques du blé se traduisent par des différences nettes pour l’utilisateur final, comme un boulanger. Un changement soudain dans la fourniture peut se traduire par des miches de pain un pouce plus longues ou plus hautes. Cependant, les fournisseurs de blé n’ont pas de contact avec les boulangers, mais avec un intermédiaire, qui est souvent très loin de la minoterie, et qui peut n’être pas capable d’apprécier les différences de performances que des légères variations dans la matière première peuvent générer. Le boulanger est le vrai client, et non pas l’intermédiaire ou le minotier ; mais il est anonyme pour le Wheat Board. Ce n’est pas une situation inhabituelle pour des markéticiens de commodities de ne pas connaître les “vrais clients”.

3. Vous avez des concurrents "muets". Tous les concurrents n’agissent pas selon des stratégies marchés bien précises. Regardez les guerres de prix incessantes et suicidaires qui ravagent périodiquement l’industrie du transport aérien. En dépit des efforts faits par les compagnies aériennes pour améliorer leurs marges à travers des offres différentiées, comme les “frequent-flyer programs”, "cette industrie est toujours entre les mains de concurrents muets" a dit un jour L. Crandall, le directeur général d’American Airlines, au magazine Time. En général, les concurrents "muets" croient qu’ils ont suffisamment d’avantages pour se permettre de mener la concurrence sur les coûts et les coûts seuls.
En fait, dans les marchés de commodities, la stratégie traditionnelle du “pur plus bas prix, basé sur le coût le plus bas” marche rarement.
Dans beaucoup d’industries on trouve des producteurs qui offrent plusieurs produits à coûts bas, avec une taille et des capacités comparables ; et qui opèrent bien en dessous du point minimum d’efficacité d’échelle, le point à partit duquel les économies d’échelle ne sont plus critiques. Même un fournisseur qui a vraiment les coûts les plus bas, et les prix les plus bas par voie de conséquence, est vulnérable aux guerres de prix déclarées par des concurrents agressifs se basant sur le volume et les parts de marché. Malgré cela, beaucoup de compétiteurs persistent à se ruer sur les marchés avec des produits bien maquillés mais de qualité inférieure, mettant l’accent sur le prix, le prix, le prix.

4. Vos canaux de distribution sont en concurrence avec vous pour gagner l’âme et le cœur du "vrai client." Le terme “Client” est souvent utilisé pour décrire un canal de distribution; alors que souvent c’est le terme “Concurrent” qui est plus appropriée.
En utilisant l’exemple du consommateur, parce qu’il est facilement reconnaissable, prenons le cas des fournisseurs de tapis synthétiques. Ils font souvent la promotion du type de fibre utilisée dans leurs tapis, avec pour résultat le fait que les consommateurs considèrent la marque de la fibre utilisée comme la marque du tapis ; et sont ainsi amenés à croire que les différents tapis sont quasiment les mêmes, en dehors de la couleur, etc. Après tout, tous ces tapis utilisent les mêmes ingrédients de base. On rencontre le même phénomène dans d’autres marchés de consommation de masse – casseroles de cuisine, blousons ou ordinateurs personnels. Dans les marchés industriels, comme par exemple le blé, l’important c’est que le minotier veuille gagner la fidélité du boulanger, et non la partager avec les fournisseurs de blé.

5. Il y a des agents "anti-branding" sur le marché. Toute organisation, quelle que soit sa dénomination, qui encourage la comparaison sur les seuls prix et contribue à obscurcir les différences entre les produits est en fait un agent "anti-branding". Quand des organisations de trading passent des contrats pour du blé de printemps, et que les bourses de matières premières donnent de cotations pour ces contrats, il devient difficile pour le Wheat Board australien d’obtenir de bons premium pour son blé. (Cette qualification peut paraître offensante pour des organisations de trading, qui pourraient arguer que leurs efforts sont le résultat de faibles niveaux de différentiation, et non la cause. Les exemples sur les marchés de consommation de masse suggèrent l’inverse, mais c’est là une question trop complexe pour être traitée ici).

Ceci est un simple test. Sur l’un d’entre eux, le Wheat Board australien atteint le score parfait de 100.

Les Auteurs

Sam I. Hill, Sam I. Hill est vice-president de of D'Arcy Masius Benton & Bowles. M. Hill était auparavant vice-président chez du marketing Group Booz-Allen & Hamilton à Chicago. Il a fait des publications dans la Harvard Business Review et dans d’autres journaux et est coauteur, avec Glenn Rifkin, du livre en cours de publication "Radical Marketing," édité par Harper Business. M. Hill détient un M.B.A. de la University of Chicago.

Jack McGrath, Jack McGrath est senior vice president chez Booz-Allen dans la practise “consumer and engineered products”. Les principaux clients de M. McGrath sont de grands fournisseurs de marchandises préemballées et de produits de consommation durables. Il a aidé des markéticiens dans des entreprises de commodities à bâtir leurs compétences de différentiation de marque pour leurs produits. .

Sandeep Dayal, Sandeep Dayal est senior associate chez Booz-Allen dans la practise “consumer and engineered products”. Il s’est spécialisé dans le marketing, la stratégie et les questions d’organisation. M. Dayal détient un Master en management public et privé de la Yale School of Management.


Cet article est paru dans le numéro d’automne 1998 de Strategy+organization

octobre 24, 2004 dans Services | Lien permanent | Commentaires (2) | TrackBack (0)

Evaluation du programme Top Management

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Le programme Top Management du Projet Energizing Change est arrivé à mi parcours. Sur les six séminaires prévus, MDI-Alger a organisé les quatre premiers d’entre eux ; et cela, en accord avec le planning initial qui avait été arrêté au démarrage du programme en avril 2004.

Arrivé à ce stade, il a paru opportun de faire une évaluation globale du programme par tous les acteurs impliqués. En particulier, nous avons estimé utile de vous demander votre appréciation en tant que participant au programme.

Pour nous permettre d’élaborer un rapport d’évaluation globale - qui doit être soumis au ministre de l’Énergie & des Mines dans le courant du mois de novembre -, nous vous invitons à bien vouloir consacrer un peu de votre temps pour renseigner les questions que nous vous proposons ci-après.

Pour gagner du temps, vous voudrez bien envoyer vos réponses par Internet au coordonnateur pédagogique du programme à l’adresse électronique suivante

s.seghir@mdi-alger.com


Pour accèder au fichier qui contient le questionnaire, veuillez cliquer ci-dessous :

Download eval_micourse2.doc


Avec mes meilleures salutations,


B. Benabdeslem

octobre 16, 2004 dans Leadership | Lien permanent | Commentaires (4) | TrackBack (0)

Création de la Valeur par l'Innovation

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En septembre dernier, lors du sixième séminaire du programme EMBA du projet Energizing Change portant sur “Le management stratégique et l’innovation”, le professeur Marc Ingham de l'Edhec a montré comment l’innovation était devenue la donnée stratégique par excellence dans la performance des entreprises.

Dans l’article ci-dessous, les professeurs Kim et Mauborgne de l’INSEAD exposent leur approche de ce qu’ils appellent la “création de valeur par l’innovation”. Une notion qui, me semble-t-il prolonge utilement les apports du séminaire de Marc Ingham. Ce faisant, et rejoignant les propos de Marc Ingham, ils montrent que les concepts traditionnels de stratégie et de marketing sont en train de voler en éclats.

Je connais les professeurs Kim et Mauborgne depuis 1994 quand ils étaient mes professeurs de stratégie à l’INSEAD ; et qu’ils m’avaient déjà initié aux approches innovantes qui commençaient à voir le jour dans ce domaine. Aussi, est-ce une raison supplémentaire qui m’a poussé à vous faire partager leurs idées exposées dans une interview accordée à la revue strategy+business (édition du 1er trimestre 2002), éditée par le cabinet Booz-Allen & Hamilton. Pour ceux qui n’ont pas une grande maîtrise de l’anglais, j’ai tenté une traduction en français.

Je vous en souhaite bonne lecture… et j’attends vos commentaires via le blob MDI-Alger.

Smaïl Seghir


W. Chan Kim et Renée Mauborgne: The Thought Leader Interview
Par Stuart Crainer

Deux chercheurs en stratégie de l’INSEAD trace la frontière entre innovation et valeur.

Traversant Barbizon, le célèbre village des peintres du sud parisien, patrie du peintre du 19ème siècle Jean-François Millet, le professeur W. Chan Kim déclare avec un grand geste : "Cet endroit est un pole de créativité,” tout en souriant en regardant un groupe de touristes débarquant d’un bus.
Ce n’est pas encore la Silicon Valley. Du moins, pas encore. Mais le professeur Chan et sa collègue à l’INSEAD, professeur Renée Mauborgne, sont convaincus que le nouvellement créé Value Innovation Institute pourra changer la perception que l’on a de la région en tant que centre mondial pour l’étude de la relation entre l’innovation et le développement des marchés. Cet institut, comme l’explique professeur Chan, regroupera des managers venant de différentes entreprises transnationales pour travailler sur des projets trans-industries et trans-entreprises qui permettront de relier des approches innovantes à la création de vastes opportunités de marché.
Professeur Kim détient la chaire Boston Consulting Group Bruce D. Henderson à l’INSEAD ou il est professeur de Management International. Sa collègue, professeur Renée Mauborgne, est Distinguished Fellow and Affiliate Professor à l’INSEAD où elle est professeur de Stratégie & Management. Tous deux sont particulièrement impliqués dans la mise au jour des concepts de “création de valeur par l’innovation” (value innovation) et “d’espace marché” (market space). Ils voient dans la création de valeur par l’innovation l’aptitude à remettre en question les approches traditionnelles de la stratégie et à changer les règles du jeu concurrentiel plutôt de se battre sur les marchés bien établis. Leur approche de la création de valeur par l’innovation permet d’expliquer les succès des entreprises à forte croissance. Dans leur démarche, l’espace marché constitue le processus par lequel les entreprises peuvent créer de nouvelles demandes. Un processus qui incite les entreprises à créer de nouveaux marchés plutôt que de se préoccuper de ceux sur lesquels elles opèrent déjà.
Ces concepts ont émergé de travaux menés depuis un dizaine d’années par des équipes trans-industries, centrées sur la recherche des voies permettant aux entreprises de créer de la valeur à travers l’innovation, l’invention de nouveaux marchés et la réinvention de marchés existants.
“Nous avons commencé par nous intéresser aux entreprises qui avaient réussi à dominer la compétition,” explique professeur Kim. “Puis nous avons observé comment on pouvait créer de nouveaux espaces de marché – car nous estimons que les entreprises ont besoin de savoir et d’agir pour sortir de leur boîte si elles veulent dominer la compétition. Ce que nous appelons ‘processus vertueux’ (fair processus) fait référence au processus décisionnel en management et à ce qui est requis pour bâtir et mettre en œuvre la réflexion créative. Très récemment, nous nous sommes intéressés à la manière d’identifier une idée de business gagnante et déterminer laquelle mérite que l’on parie dessus. L’aptitude à savoir qualifier des idées de business innovantes est une composante stratégique critique de la création de valeur par l’innovation.”
L’intérêt porté aux idées des deux chercheurs sur la création de valeur par l’innovation, particulièrement en Europe, va croissant, grâce notamment à des articles bien reçus ces dernières années dans des revues prestigieuses comme la Harvard Business Review et de la présentation que tous deux ont fait l’année dernière au Forum Économique Mondial de Davos. “Nous étions là à Davos, en train de modérer une discussion sur la création de valeur par l’innovation, et seul un Européen, Hasso Plattner [le fondateur et PDG de SAP AG], était dans le panel.” Se rappelle professeur Mauborgne. “Ce qui a fait surgir la question, ‘Pourquoi n’y a-t-il pas plus de PDG et d’entreprises européens trouvant de l’intérêt pour participer à ces discussions ?’ Quel est le problème avec l’Europe ? La réponse qui a fini par s’imposer est la suivante : l’Europe est forte dans les sciences et les technologies, mais faible pour faire la connexion entre l’innovation et le business.”
W. Chan Kim, né en Corée, et Renée Mauborgne, une américaine, sont arrivés à l’INSEAD venant de la University of Michigan Business School, où tous les deux ont démarré leurs études et ont enseigné. Chacun d’entre eux est venu à l’INSEAD pour découvrir de nouvelles perspectives. “Aux États-Unis, le business international veut toujours dire les U.S.A et le reste du monde,” insiste le professeur Mauborgne. “Ici c’est différent. Nous avons voulu apprendre la réalité du business international et comprendre le rôle et l’étendue de la stratégie dans cette affaire.”
Cela semble naturel qu’un Coréen et une Américaine qui s’engagent dans une recherche globale pour trouver des idées de business novatrices aient choisi un endroit comme l’INSEAD comme leur base intellectuelle. Strategy+business a rencontré les professeurs Kim et Mauborgne dans leurs bureaux à l’INSEAD et les a questionné sur la stimulation intellectuelle que leur offre leur présence en Europe.

S+B : Bien que votre approche générale en matière de recherche semble vouloir trouver des similitudes au travers de plusieurs sources et composantes de la performance dans le business, vous semblez proposer une perspective toute européenne au business international. Est-ce là un commentaire judicieux ?
Mauborgne : Oui et non. Oui, parce que nous étudions les entreprises européennes de façon plus approfondie que les entreprises américaines. C’est vrai que les enjeux ne sont pas tout à fait les mêmes. Les contraintes que rencontrent les entreprises européennes sont différentes.
Mais, ayant fait nos études aux États-Unis et arrivant en Europe, nous avons vite compris que ce qui était arrivé dans le monde des affaires en Amérique allait se reproduire en Europe. Il y a des phénomènes universels. Les étrangers qui arrivent aux États-Unis le voit de façon nette ; et la même chose est vraie pour les Américains qui viennent en Europe. Pour nous, venir en Europe nous a apporté cette universalité et nous a rendu plus confiants pour généraliser nos théories.
Cela dit, lorsque nous avons observé les entreprises européennes, nous avons trouvé qu’il y avait un gap encore plus grand entre les entreprises les plus performantes et celles qui sont à la traîne, dans un même secteur géographique, que l’écart qu’il y avait entre les entreprises européennes les plus performantes et leurs équivalentes aux Etats-Unis. Il existe des similitudes frappantes entre la vision stratégique et l’énergie d’un Nicholas Hayek [le président de SMH/Swatch Group] et Hasso Plattner en Europe et Scott Cook de la compagnie Intuit ou Herb Kelleher de Southwest Airlines aux États-Unis. Tous ont une forte attitude qui n’admet aucune excuse, l’obsession d’offrir aux clients beaucoup plus en termes de valeur, et un engagement résolu pour la création de nouveaux marchés. Ce sont raz de marée d’énergie. Il y a comme un pouls qui bât dans les entreprises qu’ils dirigent.

S+B : Lorsqu’on compare les chiffres de productivité en Europe et aux États-Unis, habituellement l’Europe réalise les scores les plus faibles. Est-ce que votre expérience confirme cet état de choses ?
Mauborgne :
En Europe, en général, on a tendance à être porté par la demande. C’est le classique exemple du panonceau sur la porte des boutiques en France qui annonce « Entrée Libre » [en français dans le texte original]. Ce qui veut dire littéralement que vous êtes autorisés à entrer et que vous n’aurez pas à payer pour avoir le privilège de regarder les marchandises à l’intérieur. En d’autres termes, le magasin fait une faveur aux clients alors que ce sont les clients qui lui font une faveur en achetant potentiellement ses marchandises.
Les Européens ont besoin d’innover dans leur façon de concevoir le business. Il y a, toutefois, des signes qui montrent que quelque chose est en train de se produire. Á Fontainebleau, par exemple, les derniers panonceaux Entrée Libre disparaissent de plus en plus des portes des magasins. Cela peut paraître dérisoire, mais c’est probablement le signe que nous assistons à une évolution dans les mentalités.

Kim : L’Europe est aussi forte que Etats-Unis en termes de technologie. Mais il manque à l’Europe le chaînant entre la technologie et le marché. Les raisons qui font que l’Europe est faible dans la mise sur marché de la technologie sont liées à la façon dont les Européens créent et mettent en œuvre l’innovation ainsi que dans leur culture entrepreneuriale. Les Américains sont très orientés bottom-line (centrés sur les chiffres et le profit) et sont très bons pour valoriser l’innovation. L’Europe a besoin de créer un pont pour pouvoir transformer l’innovation en valeur. En Europe, il n’y a pas de Silicon Valley, un endroit où des gens jeunes et plus âgés, clicks and mortar (familiers aussi bien avec l’informatique qu’avec les technologies classiques), se retrouvent ensemble dans un endroit où l’on valorise l’entrepreneurship. L’industrie européenne peut — et doit — être plus unifiée. On y trouve plein de think tanks et d’initiatives similaires, mais sans thème unificateur. C’est la raison pour laquelle le Value Innovation Institute est une initiative si nécessaire.

S+B : Comment définissez-vous la création de valeur par l’innovation ?
Mauborgne :
Créer de la valeur par l’innovation c’est créer un ensemble sans précédent de valeurs d’usage (biens ou services) à un coût moindre. Cela n’a rien à voir avec la recherche de la rationalisation, mais plutôt la poursuite de deux objectifs simultanés : trouver une valeur exceptionnelle avec des coûts bas. C’est pourquoi le Value Innovation Institute a été mis en place pour assister les entreprises à réussir dans cette mission stratégique.

S+B : Bien que vous vous considériez comme de purs chercheurs, il semble qu’il y a un aspect très pratique dans vos travaux. Vous posez des questions très directes, des questions basiques pour le business plutôt que d’émettre des hypothèses abstraites.
Mauborgne :
Nous posons la question de savoir Qui fait des choses intéressantes ? Qu’est-ce qui fait que l’on a des entreprises passionnantes, sûres d’elles-mêmes et fortes ? L’innovation c’est ce qui fait la vie d’une entreprise ; et nous adorons pouvoir regarder ce qui se passe à l’intérieur de enterprises — aussi bien les leaders que celles qui sont à la traîne — pour comprendre comment avancer.
Nous sommes curieux de nature. Aussi, à mesure que notre recherche progresse, nous élaborons de nouvelles hypothèses: Qu’est-ce qui fait que les entreprises s’arrêtent d’innover et que la croissance freine ? Comment peut-on trouver plus vite des idées révolutionnaires ? Comment mettre un prix sur quelque chose qui n’a jamais été vendue auparavant ?

S+B : Vos travaux laissent penser que les enterprises manquent souvent de clairvoyance sur ce qui fait leur compétitivité. Elles n’ont pas de réponses à toutes les questions que vous soulevez.
Mauborgne :
C’est vrai. Les enterprises ignorent souvent sur quels facteurs est fondée la compétition. Elles réfléchissent rarement à des industries alternatives — le large spectre d’industries qui fournissent des produits ou services similaires. Donnez à des enterprises une liste de 20 facteurs sur lesquels se fait la compétition ; elles se mettront d’acord sur 10 d’entre eux ; et débattront longtemps sur le reste.
Là réside une des raisons majeures de l’absence d’élan créatif dans les enterprises. Parce que les entreprises manquent souvent de stratégie suffisamment claire et résolue que chacun puisse comprendre. Ce qui a pour conséquence que les projets sont décidés et conduits de façon désordonnée. Individuellement, chaque projet peut se justifier en soi, mais collectivement, parce qu’ils ne sont pas guidés par une stratégie unifiée, les actions ne s’additionnent pas pour donner des résultats significatifs.

S+B : Á vos yeux, la stratégie doit être bâtie autour de la création de valeur par l’innovation.
Kim :
De notre point de vue la création de valeur et l’innovation sont — ou devraient être inséparables. La création de valeur par l’innovation met le même accent sur la création de valeur et l’innovation. La création de valeur sans innovation peut inclure la création de valeur qui se limite simplement à améliorer les bénéfices existants des clients. L’innovation sans création de valeur peut être trop guidée par la technologie.

S+B : L’erreur consiste-t-elle à confondre l’innovation avec les avancées technologiques ?
Kim :
Assurément. La création de valeur par l’innovation est un concept stratégique qui se distingue aussi bien de la création de valeur tout court que de l’innovation technologique. Nous avons plein d’exemples d’entreprises qui ont développé des technologies originales mais ont été incapables de les capitaliser en termes de business — dans la technologie de l’enregistrement vidéo, Ampex [Corporation] était le leader technologique dans les années 50. Mais ce sont les créateurs de valeur par l’innovation comme JVC et Sony qui ont réussi à porter la technologie sur le marché de masse.
On a beaucoup d’exemples de vraie création de valeur par l’innovation sans l’apport d’une nouvelle technologie. Prenez le cas de la chaîne de cafés Starbucks, le distributeur de meubles IKEA, la maison de mode Ralph Lauren, ou Southwest Airlines. Tous sont dans des business traditionnels, mais chacun d’eux a été capable d’offrir une valeur nouvelle et supérieure à travers des idées innovantes et du savoir.
La puissance de la création de valeur par l’innovation réside dans la capacité à engager les gens à bâtir une conscience collective de façon constructive. La création de valeur par l’innovation signifie que les désaccords deviennent plus minces jusqu’au moment où l’innovation explose. La création de valeur par l’innovation consiste fondamentalement à redéfinir les frontières établies pour un marché. Si vous offrez aux clients de la valeur considérablement améliorée ou si vous créez un ensemble de valeurs d’usage complètement nouveau pour donner naissance à de nouveaux marchés, alors la concurrence devient obsolète. Au lieu de jouer sur le même terrain, vous en avez créé un autre.

Mauborgne : La création de valeur par l’innovation permet aux entreprises de repousser les limites de la frontière de productivité. L’amélioration de la création de valeur ne vous mènera pas plus loin que cette frontière. La création de valeur par l’innovation consiste à remettre en question les idées reçues sur un marché donné, et à changer l’optique avec laquelle les managers arrêtent les possibilités stratégiques.

S+B : La force qui pousse à la création de valeur par l’innovation ne réside-t-elle pas dans la volonté des entreprises de créer de nouveaux marchés ?
Mauborgne :
Fondamentalement oui. On peut trouver de l’innovation dans toutes les industries, dans tous les pays, dans toutes les entreprises. Car on affaire à des forces à caractère universel. Aussi est-il incorrect de vouloir catégoriser les entreprises par le secteur auquel elles appartiennent ou par leur situation géographique. En dépit de cela, si vous regardez la littérature de stratégie, on considère encore les frontières entre secteurs industriels comme étant plutôt statiques — pensez aux analyse SWOT ou au modèle des cinq forces de Michael Porter.
Lorsque nous sommes arrivés en Europe, nous avons trouvé des entreprises qui commençaient à passer d’une attitude où elles étaient mues par le demande — poussant à l’hyper concurrence — à une attitude où elles sont mues par l’offre, créant ainsi de nouveaux marchés, de nouveaux espaces de business. Aux États-Unis, il y avait des entreprises comme Home Depot qui étaient vantées pour être différentes et qui créaient de nouvelles richesses. Á notre arrivée en Europe, nous avons découvert une nouvelle veine d’exemples d’entreprises qui étaient en train de faire éclater les modèles traditionnels — des entreprises comme la chaîne d’hôtel Formule 1 ou Bert Claeys en Belgique. Formule 1 apparaissait comme une innovation dans l’hôtellerie française pour les bas budgets en offrant des hôtels attractifs pour aussi bien la clientèle des routiers que pour les hommes d’affaires. Le Groupe Bert Claeys Group a bâti un nouvel espace marché autour des cinémas en Belgique en refusant d’accepter les perceptions traditionnelles sur ce qui était alors une industrie en déclin. Bert Claeys a ignoré le déclin à long terme en créant le tout premier cinéma megaplex avec 25 écrans et une capacité de 7.600 places.
Lorsque nous avons parlé avec ces entreprises, leurs dirigeants nous ont dit à peu près la même chose que leurs homologues américains. Il y avait une même trame dans leurs stratégies. Pour eux, la chose la plus importante n’était pas d’innover nécessairement en termes de technologie ou d’avancées scientifiques, mais d’amener l’innovation à porter sur la valeur servie aux clients.

S+B : Pouvez-vous expliquer davantage ?
Kim :
Les entreprises ont tendance à se concentrer sur les différences entre différents groupes de clients. Ils les divisent en segments de plus en plus petits et de plus en plus nets de façon à pouvoir adapter leur offre aux besoins particuliers d’un segment donné.
Nous avons découvert que les créateurs de valeur par l’innovation prenaient une toute autre approche. Au lieu de se focaliser sur les différences entre les clients, ils se concentraient sur les similitudes de base entre tous les clients. Quand les entreprises créent une valeur sans précédent sur ces similitudes de base, le cœur du marché est tiré vers elles au fur et à mesure que les clients sont amenés à renoncer à leurs préférences habituelles. Ainsi, la création de valeur par l’innovation dé-segmente et fait s’écrouler les frontières des marchés traditionnels en remettant en question l’ordre établi du marché. Á la différence de la démarche stratégique bâtie sur le déterminisme de l’environnement, gouverné par la compétition, la création de valeur par l’innovation prend une approche constructiviste du marché, où l’accent est mis sur le remodelage du marché par un réarrangement cognitif dans la pensée stratégique des dirigeants.

S+B : Comment les entreprises peuvent-elles utiliser la création de valeur par l’innovation pour créer de nouveaux espaces de marché ?
Mauborgne :
L’enjeu c’est de pouvoir créer une nouvelle demande, ce que nous appelons espace de marché. Un nouvel espace de marché consiste à créer un futur pour l’entreprise. Les entreprises peuvent continuer à exploiter le filon de leur espace marché existant — çà c’est de la maintenance. Elles peuvent se concentrer sur les parts de marché. Mais il y mieux et plus à faire — l’acte de création. Créer de nouveaux espaces de marché sera de plus en plus vital pour les entreprises.
Créer de nouveaux espaces de marché vous donne de la croissance. Il y a deux voies pour faire de la croissance. L’une d’entre elles est celle des fusions-acquisitions qui apporte, certes, la croissance mais rarement la croissance rentable. L’autre voie est celle de la croissance organique qui crée de nouveaux business. Alors que cette seconde voie est profitable et nécessaire, dans les marchés où l’offre excède la demande, les entreprises sont souvent hésitantes parce qu’elles n’ont pas vision devant elles qui leur permet de croire qu’elles peuvent changer les choses. Elles ont besoin d’un pont pour emprunter cette voie. Heureusement, certaines des idées et analyses que nous avons développées pourront aider les entreprises à bâtir ce pont.

S+B : De quoi ont encore besoin les entreprises pour faire de la croissance ?
Kim :
Elles ont besoin d’un autre élément, c’est notre concept de “processus d’équité” (fair process). Un concept qui concerne les hommes. La transformation exige des entreprises qu’elles gagnent l’engagement intellectuel et émotionnel de leurs employés. Pour y arriver, on doit mettre en place un certain degré d’équité dans la prise de décisions et dans leur exécution.
Violer ce principe peut être catastrophique. British Airways a perdu beaucoup de terrain dans le moral de ses employés et le service clientèle lorsqu’elle a annoncé un programme de réduction de coûts à un moment où ses profits étaient au plus haut et que ses avions étaient particulièrement bien remplis. En décidant de ce plan, la compagnie a violé le processus d’équité. Il n’y avait eu aucun engagement, aucune explication ou clarification sur ce qu’elle attendait de ce plan.
Le processus d’équité est fondé sur le simple besoin humain de reconnaissance intellectuelle et émotionnelle. Dans processus d’équité, il est difficile pour les entreprises de réussir même les choses que leurs employés généralement supportent.

S+B : Quelles sont les questions clés que les entreprises devront se poser si elles veulent s’engager dans un processus d’équité ?
Mauborgne :
Premièrement, elles doivent se poser la question de savoir si elles sont désireuses d’impliquer les gens dans les décisions qui les affectent. Est-ce qu’elles sont prêtes à écouter et à permettre aux gens de réfuter le mérite des idées des autres ? Est-ce qu’elles prennent le temps d’expliquer le pourquoi de telle ou telle décision et pourquoi on a dû passer outre l’opinion de tel ou tel ? Et, après qu’une décision ait été prise, est-on sûr que les gens ont bien compris les nouvelles normes, les cibles visées, les nouvelles responsabilités et les sanctions qui y sont attachées Les grands constructeurs automobiles U.S. ont une longue histoire de violations de processus d’équité ; et en ont payé le prix sur plusieurs années.

S+B : Très récemment, vous êtes entrés dans le monde des prédictions avec vos travaux sur la façon d’identifier des idées de business gagnantes. Pensez-vous qu’on a là affaire plus à un art plutôt qu’à une science ?
Mauborgne :
Nous avons mis au point trois outils analytiques pour aider les managers à identifier des idées de business gagnantes quel que soit l’espace de marché qu’elles occupent ou qu’elles veulent créer.
Le premier outil est le Buyer Utility Map, qui indique la probabilité avec laquelle les clients seront attirés par une nouvelle idée. C’est une matrice basée sur six stades de l’expérience de l’acheteur, partant de l’aisance avec laquelle il trouve un produit à la facilité avec laquelle il en prend possession. Et six “leviers d’usage client” (customer utility levers) — allant des attributs environnementaux à l’amélioration de la productivité client. Les innovations doivent occuper le plus possible de carrés sur la matrice, bien qu’il soit improbable d’arriver à griser trois ou quatre carrés.
Le second outil, le Price Corridor of the Mass, identifie quel est le prix qui permet de débloquer le plus grand nombre de clients. On y arrive en faisant le benchmarking des prix non seulement de produits similaires, mais aussi ceux de produits différents qui satisfont la même fonction. Par exemple, les compagnies aériennes court-courrier sont en compétition avec non seulement d’autres compagnies aériennes, mais aussi avec les bus, les trains et la voiture individuelle.
Le troisième outil, le Business Model Guide, est un cadre qui permet de calculer comment une entreprise peut offrir un produit ou service à un prix cible. Il inclue des options comme le ciblage des coûts ou la recherche d’opportunités d’outsourcing ou de partenariat.

S+B : Si on applique vos outils, est-ce que l’innovation suivra inéluctablement ?
Mauborgne :
Pas vraiment. D’abord, l’innovation comme toutes les autres action stratégiques, impliquera toujours des opportunités et des risques. Nos outils ont été conçus pour aider à identifier de façon systématique les probabilités de succès, pour pouvoir faire avancer les chances d’opportunités sur les risques.
Les innovations font souvent face à des obstacles pour leur adoption. On peut rencontrer des résistances auprès des “stakeholders” aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’entreprise. Les employés, les actionnaires et partenaires et le public en général peuvent soulever des problèmes. La clé pour les résoudre c’est la discussion ouverte avec ces stakeholders sur l’impact et les ramifications des innovations. Regardez ce qui se passe autour des OGM. Que se passerait-il si Mansanto ouvrait des discussions ouvertes avec les stakeholders? Peut-être, au lien d’être vilipendé, il pourrait devenir en bout de course le “Intel Inside” de la nourriture du futur — le fournisseur de la technologie essentielle.

S+B : Trouvez-vous encore de nouveaux créateurs de valeur par l’innovation faisant des choses intéressantes mais qui sont peu connues ?
Mauborgne :
Constamment. Elles existent dans les pays moins développés et dans des pays qui ne sont pas spécialement connus pour la création de valeur par l’innovation. Ces entreprises périphériques incluent le constructeur de bus hongrois NABI, qui est en train de dominer le marché des bus aux Etats-Unis en changeant la courbe de valeur dans ce secteur industriel. Ou le Cirque du Soleil, le cirque canadien qui a été à l’origine de la renaissance et de la redéfinition de l’industrie du cirque. Le Cirque du Soleil a marié les deux industries du théâtre et du cirque et, ce faisant, a pris de vitesse les cirques Ringling Brothers et Barnum and Bailey en ouvrant une nouvelle clintèle d’adultes pour le cirque à un prix qui est plusieurs fois multiple de ce qu’on paie dans les cirques traditionnels.
On peut aussi citer l’entreprise française JCDecaux, qui est le leader de l’affichage publicitaire extérieur. JCDecaux a crée un espace industriel entièrement nouveau en convertissant les stations de bus et de métro en espace publicitaire agréable. Les municipalités gagnent en obtenant du mobilier urbain de style moderne et gratuit, alors que JCDecaux gagne en vendant de l’espace publicitaire dans les endroits les plus recherchés par les annonceurs dans ces villes.

S+B : Mais vouloir copier ces entreprises périphériques est sûrement un exercice difficile et peut-être à déconseiller, voire impossible ? Procter & Gamble n’est pas le Cirque du Soleil.
Kim
: Les hommes d’affaires ont l’habitude de dire qu’il y a des questions de culture, qu’il y a l’effet de la bourse, des lois et règlements, etc. Cependant, à chaque fois que nous montrons l’exemple de Formule 1, les gens disent : “Pourquoi ne ferions-nous pas la même chose dans notre secteur industriel ?” L’enjeu ne consiste pas à copier ce que l’une ou l’autre de ces entreprises ont réussi, mais de comprendre le processus de raisonnement qui a permis à ces entreprises de créer de nouveaux marchés et de créer de la valeur par l’innovation. Les entreprises trouvent cet exercice particulièrement riche. Apprendre à penser différemment les opportunités et les risques, avoir le courage d’aller de l’avant dans le futur, c’est ce qui maintient le gens et leur entreprise en vie, jeunes et en croissance.

S+B : Vous paraissait plutôt prêts à partager commercialement vos concepts et idées sur la création de valeur par l’innovation.
Kim :
Nous gagnons plus en donnant gratuitement aux gens le copyright de la création de valeur par l’innovation pour autant qu’ils partagent leur connaissance et le fruit de leur recherche. Il s’agit d’une approche de type système ouvert. Ils nous disent ce qui aura marché et ce qui n’aura pas marché.
Plus nous aurons de preuves empiriques et de feedback du marché - corroborant ou infirmant nos hypothèses -, plus riches seront les concepts que nous pouvons bâtir pour la théorie comme pour la pratique.

Reprint No. 02110
Auteurs

Stuart Crainer, stuart.crainer@suntopmedia.com
Stuart Crainer est un journaliste base au Royaume Uni. Il contribue régulièrement à strategy+business. Mr. Crainer est l’auteur de nombreux livres de management, incluant le Financial Times Handbook of Management (Financial Times Prentice Hall, 2001) et The Management Century: A Critical Review of 20th Century Thought and Practice (Jossey-Bass, 2000).

Cet article est paru dans l’édition du premier trimestre 2002 de Strategy+Business

octobre 07, 2004 dans Stratégie | Lien permanent | Commentaires (3) | TrackBack (0)

Quand les technologies de l’information élèvent la productivité

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Lors du deuxième séminaire Top management sur l'utilisation des technologies de l'information, animé par Michel Kalika et Alain Guède, les 10 et 11 avril dernier, vous avez pu mesurer combien il était important d’accompagner l’utilisation des nouvelles technologies de l’information par une évolution dans les pratiques managériales.

En réalité, le débat sur le véritable apport des technologies de l’information sur la productivité du travail – et celle de l’entreprise – a toujours préoccupé les observateurs qui s’intéressent à la mesure des performances. Un débat qui jusque là jusque là n’avait pas pu être alimenté par des données suffisamment objectives pour pouvoir tirer des conclusions qui vont au-delà de la simple conjecture.

Dans un article paru dans la prestigieuse revue McKinsey Quarterly, ses auteurs révèlent les résultats d’une enquête qui établit de façon exceptionnellement nette l’impact contrasté des technologies de l’information (TI) par rapport à celui de l’amélioration des pratiques managériales. Leur conclusion est claire : c’est l’amélioration du management qui a un impact significatif sur la productivité de l’entreprise ; les investissements dans les TI n’étant efficaces que s’ils sont couplés à l’amélioration du management.

Je vous propose ci-après la traduction en français que j’ai faite de cet article dont les conclusions constituent, à mes yeux, une avancée remarquable dans la connaissance des facteurs qui détermine la productivité.

Je vous en souhaite bonne lecture.


Smaïl Seghir


Quand les technologies de l’information élèvent la productivité

Les entreprises devraient d’abord améliorer leurs pratiques managériales avant de se focaliser sur la technologie.

Stephen J. Dorgan et John J. Dowdy

The McKinsey Quarterly, 2004 Number 4
Lorsque les stratèges européens se plaignent du gap de productivité avec l’Amérique du Nord, ils recommandent souvent d’investir massivement dans les technologies de l’information (TI). Comme si le fait d’augmenter la puissance des ordinateurs pouvait à lui seul résoudre la question.

En réalité, cette approche n’a pas eu d’impact significatif sur la productivité. Á l’inverse, certains économistes ont soutenu qu’un meilleur management – plus que la puissance des outils informatiques – était la véritable clé pour élever la productivité ; mais ils n’ont apporté aucune preuve de ce qu’ils avançaient(1). Aujourd’hui, toutefois, une étude menée sur 100 entreprises industrielles en France, Allemagne, Royaume Uni et aux États-Unis permet de démontrer que les dépenses de TI ont peu d’impact sur la productivité à moins qu’elles ne soient accompagnées par des pratiques managériales de tout premier ordre. En réalité, les entreprises peuvent élever leur productivité uniquement en améliorant la façon de gérer leurs opérations.

La recherche que nous avons menée, en partenariat avec la London School of Economics(2), a porté sur la période 1994-2002. Ses résultats permettent d’affirmer que des techniques managériales spécifiques ont un impact significatif sur la productivité ; et cela, quels que soient la taille de l’entreprise, son secteur d’activité ou ses performances passées. Nous avons pu montrer que la relation entre l’accroissement de productivité dans les entreprises et de meilleures pratiques managériales expliquaient les gaps entre les quatre pays ; et cela reste vrai pour l’ensemble des industries retenues dans l’étude(4).

Les bénéfices qui résultent d’un meilleur management sont impressionnants. Notre analyse a noté 100 entreprises choisies de façon aléatoire sur une échelle de 0 à 5 en mesurant l’efficacité avec laquelle elles utilisaient trois outils importants : le lean management (le fait de couper dans les coûts des process de production), le management des performances (la fixation d’objectifs de performance et la rémunération en fonction de l’atteinte des objectifs), le management des talents (comment attirer et développer les cadres à haut potentiel).

Nos résultats montrent que l’amélioration d’un point sur l’échelle se traduit par une augmentation de 25 % de la productivité globale de l’entreprise (qui inclut aussi bien la productivité du travail que la productivité du capital) Pour mettre les choses en perspective, cette élévation de productivité a un effet comparable à un accroissement en investissement en capital de 70 %, faire passer le nombre d’usines de 15 à 17, ou accroître le personnel de production de 25 %. De plus, cette amélioration est obtenue quel que soit le niveau d’efficacité initiale des entreprises ; ce qui revient à dire que mêmes les entreprises bien gérées peuvent obtenir les mêmes gains spectaculaires de productivité en engagent des efforts similaires.

Comme on peut l’imaginer, un tel gain de productivité se traduit de façon aussi impressionnante sur les performances financières des entreprises. Le même point d’amélioration sur notre échelle était corrélé avec un accroissement de 5 % sur le retour sur capital employé (ROCE) de l’entreprise.

Comme le ROCE moyen des entreprises sur la période des neuf années retenue dans l’étude a été de 12 %, les entreprises qui ont élevé d’un point leur score dans l’amélioration de leurs pratiques managériales ont accru leurs performances financières de 42 %(5).

Par comparaison avec ces résultats, quel est l’impact des investissements en TI ? Nous avons trouvé que le fait d’augmenter la puissance informatique se traduisait aussi par une élévation de la productivité – mais cet impact est modeste. Le quartile supérieur des entreprises, en termes de déploiement de ressources TI, a enregistré un gain de productivité d’à peine 4 % plus élevé, en moyenne, par rapport aux entreprises du quartile le plus bas. Ce qui représente juste un sixième du gain dû à l’amélioration des pratiques managériales. De plus, les entreprises qui investissent le plus en TI n’ont pas de meilleures performances financières. Cela peut sembler étrange, si on prend en compte le gain de productivité enregistré, mais l’explication réside dans le fait que les coûts élevés des investissements en TI contrebalancent le gain financier généré. Là aussi, les résultats de l’étude restaient valides quelles que soient la taille de l’entreprise, son implantation géographique ou l’activité industrielle concernée.

Bien sûr, les managers ne devraient pas s’arrêter d’acheter des ordinateurs. Au contraire, l’étude montre que les entreprises peuvent davantage bénéficier de la combinaison des investissements en TI avec la mise en œuvre de pratiques managériales efficaces. Pour les entreprises qui figurent dans le quartile inférieur des pratiques managériales, le déploiement de moyens TI plus puissants donne dans un gain de productivité d’à peine 2 %. Alors que les entreprises avec plus de puissance TI et des pratiques managériales améliorées atteignent un gain de productivité de 20 % (cf. schéma). Nos résultats montrent ainsi qu’un meilleur management pouvait à lui seul élever la productivité de façon significative ; et accroître en même temps l’impact des investissements en TI sur la productivité. Aussi les entreprises devraient-elles d’abord songer à améliorer leurs pratiques managériales et après seulement investir dans les TI.

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Les auteurs
Stephen Dorgan est associate principal et John Dowdy est directeur au bureau McKinsey de Londres.


Notes

(1) Cf. Diana Farel, Heino Fassbinder, Thomas Kneip, Stephan Kriesel et Eric Labaye, “Reviving French and German productivity.” The McKinsey Quarterly, 2003 Number 1, pp. 45-55.

(2) Dr. Nick Bloom (research fellow) et Pr. John van Reenan (Director) du Centre for Economic Performance de la London School of Economics ont collaboré avec McKinsey dans la realisation de l’étude.

(3) La corrélation entre les pratiques managériales et la productivité de l’entreprise est statistiquement significative à 1 %.

(4) Stephen J. Dorgan et John Dowdy, “How good management raises productivity”, The McKinsey Quarterly, 2002 Number 4, pp. 14.6.

(5) Le ROCE moyen pour 2002, l’année la plus récente de l’étude, a été de 6 %, ce qui veut dire que le gain pour l’entreprise en termes de performances financières peut être aussi élevé que 85 %.

septembre 13, 2004 dans NTIC | Lien permanent | Commentaires (12) | TrackBack (0)

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