
Le séminaire sur le “Management des Services” animé par le professeur Denis Lapert les 24 et 26 septembre dernier, au titre du programme Top Management du projet Energizing Change, a montré comment un management efficace des services pouvait créer des avantages concurrentiels durables. Pour cela, il fallait en particulier faire évoluer de façon radicale la notion traditionnelle du service - compris comme une simple “transaction” - vers une vision novatrice qui privilégie la notion plus complexe de “relation”.
Dans un article récent paru dans la revue Strategy+organization, une publication du cabinet conseil Booz Allen & Hamilton, les auteurs démontrent que cette notion de relation s’appliquent aussi au marketing des matières premières (commodities). Ils donnent en même temps des recommandations très pratiques sur la façon de différentier les commodities dans le but de bâtir des marques distinctives (premium brands). Et c’est ce brand marketing qui permet de facturer ses produits à un prix supérieur (premium).
Les entreprises du secteur de l’Énergie et des Mines commercialisent essentiellement des matières premières (commodities). Aussi, il m’a semblé utile de vous proposer la lecture de cet article intitulé non sans un certain humour “How to Brand Sand ?” Vous trouverez ci-dessous une traduction libre de l’article original en anglais que j’ai faite pour en faciliter la lecture à tous. (Les références de l’article original en anglais sont données à la fin du texte).
Si vous avez la patience d’aller jusqu’au bout de cet article - que je trouve d’une exceptionnelle actualité - les auteurs vous proposent un simple test pour évaluer dans quel type de marché vous vous situez ; et d’en tirer pour vous-mêmes les conséquences en termes de brand marketing.
J’apprécierais beaucoup si vous pouviez me faire part de vos commentaires… et me dire dans quel type de marché de vous vous situez !
Smaïl Seghir
Comment Vendre du Sable comme Produit de Luxe
Sam I. Hill, Jack McGrath, et Sandeep Dayal
Dans les marchés de matières premières (commodities), le prix constitue souvent le seul élément de différentiation. Mais si vous pouvez commercialiser ces produits en les accompagnant de services, vous arriverez même à vendre du sable et des briques à des prix bien supérieurs. Voici comment transformer des matières premières en marchandises premium (branded goods).
"Bien sûr, la saleté n’est pas seulement de la saleté," affirme ce responsable du marketing pour de la terre diatomacique, un produit minéral crayeux utilisé comme agent filtrant et absorbant et vendu à une vaste gamme de clients, allant des exploitants de carrières aux grosses multinationales de l’agro-alimentaire.
Ceci est particulièrement vrai du point de vue du client – et de n’importe qui d’autre qui tente de vendre un produit qui paraît non différentiable des autres produits que commercialisent d’autres fournisseurs. Mais on s’aperçoit que ce point de vue n’est pas partagé par tous les utilisateurs.
En effet, quand on a affaire à des matières premières (commodities), la difficulté pour le marketing c’est de prouver que telle poignée de saleté est meilleure, et rapporte plus à l’utilisateur, que telle autre poignée de saleté. C’est là une question d’argument marketing qui peut se traduire autant par la façon dont la saleté est emballée, expédiée et utilisée que par la qualité réelle et les caractéristiques de la saleté. Quoiqu’on prenne en compte, c’est là une tâche que le marketing doit accepter – et être prêt à prendre en charge avec un sens aigu des besoins différentiés des clients et des prix correspondants sur un marché donné.
Dans cet article, nous nous intéressons au problème des responsables de marketing qui agissent sur les marchés de matières premières (commodity marketers). Les commodités est un terme qui est souvent utilisé de façon large – pour designer aussi bien les marchés caractérisés par d’intenses pressions sur les prix que les stratégies utilisées par les entreprises qui sont en compétition sur la base des coûts bas/prix bas.
Nous utiliserons le terme "commodités"pour faire référence à un groupe particulier de produits et de marchés – des produits faiblement différentiables ou des services avec un haut niveau de substitution avec la recherche systématique de prix bas. Alors que plusieurs marchés offrent ce type de produits, nous avons limité cette discussion à ceux qui figurent dans la catégorie qu’on appelle traditionnellement produits à faible contenu technologique.
Jusque là, les entreprises qui opèrent dans de telles conditions sont plutôt frustrées par les théories classiques du marketing. "Quatre-vingt dix pour cent des livres de marketing parlent du marketing client," nous dit Richard Morford, manager général à la division pneumatiques et produits chimiques chez Rhône Poulenc S.A. "Nous avons arrêté d’envoyer nos executives dans les business schools. Il est frustrant de constater qu’on y apprend comment faire le marketing du bain de bouche Listerine et de voir que ce qui réellement nous intéresse est laissé de côté."
Le temps est venu de s’attaquer à cette question. Au cours de la décennie passée (les années 80), dans leurs efforts pour réduire les coûts, beaucoup d’entreprises industrielles ont été amenées à réduire, voire éliminer, leurs capacités marketing. Les récentes initiatives pour rétablir l’accent sur le marketing ne devraient pas se traduire par le simple rétablissement de leurs anciennes organisations marketing, avec leur approche des ventes du type transaction. Au contraire, elles devraient saisir l’opportunité de création de capacités marketing modernes pour mieux comprendre les besoins des utilisateurs, mettre au point et communiquer de nouvelles offres pour répondre à ces besoins ; et ensuite, mettre en œuvre des stratégies de prix rationnelles qui reflètent complètement le vrai coût de service (cost-to-serve).
Dans cet article, nous esquissons une approche pas à pas pour développer une stratégie marketing adaptée aux fournisseurs de marchandises faiblement différentiables.
Notre approche est fondée sur le "branding," ce qui veut dire créer une relation mutuellement acceptée entre le fournisseur et l’acheteur qui transcende les transactions isolées ou des besoins spécifiques. Il est reconnu que c’est là une tâche très difficile. Mais les entreprises qui ont réussi à adopter cette approche ont pu obtenir des parts de marché supérieures et des niveaux de prix élevés ; et cela, même sur des marchés où les conditions n’étaient pas particulièrement favorables.
LES QUATRES ÉTAPES DU BRANDING
Nous proposons une approche en quatre étapes pour réussir le branding des commodités :
• Premièrement, quadriller le marché sous tous les angles – rentabilité, besoins, comportements – pour pouvoir identifier les utilisateurs qui seraient sensibles à la différentiation.
• Deuxièmement, différentier votre offre dans l’une des six dimensions "génériques" de la différentiation.
• Troisièmement, assembler plusieurs différentiations dans une marque, puis communiquer dessus de façon cohérente et forte.
• Quatrièmement, mettre en phase vos compétences pour renforcer et défendre votre marque et les sources sous-jacentes de différentiation.
QUADRILLER LE MARCHÉ !


Quadriller le marché est la première étape critique du processus. Les markéticiens de commodités qui savent qui est prêt à payer pour de la différentiation, combien on peut investir dans le processus de différentiation et quels sont les bénéfices qui sont valorisés par les utilisateurs peuvent commencer à bâtir une marque. Ceux qui, au contraire, appliquent des approches au coup par coup verront leurs budgets se tarir avant même d’avoir engrangé les résultats espérés.
Les markéticiens de commodités efficaces doivent commencer par reconnaître qu’il n’existe pas de marché véritablement homogène. Un des grands géants de l’agrobusiness est arrivé à la conclusion qu’il avait une affinité naturelle avec certains clients, fondée sur la géographie, la qualité, des relations long terme et une compatibilité de valeurs. D’un autre côté, les responsables de cette entreprise ont conclu que certains clients ne seront jamais à l’aise avec eux – au point où ils en sont arrivés à “licencier” des clients quand il était devenu évident que la sauce ne prenait pas avec eux.
Ces responsables avaient raison – certains clients sont tout simplement indifférents aux actions de marketing et constituent une perte de temps. Le processus qui consiste à identifier les bons clients, c’est ce que nous appelons "quadriller le marché."
Quadriller le marché va plus loin que la segmentation traditionnelle. C’est un processus réfléchi qui consiste à trouver les clients qui ont besoin, apprécient et sont prêts à payer la différentiation. La première étape consiste à conduire une segmentation rigoureuse des comportements sur le marché. Ce qui est différent des approches traditionnelles basées sur les caractéristiques démographiques ou psychographiques ; au lieu de relier le comportement des clients à leur comportement d’achat, on examine les profils réels d’achat. De ce point de vue, notre recherche nous a amené à identifier trois classes distinctes de clients :
1. Clients “Gold Standard” – Ce sont les clients dont les préoccupations vont bien au-delà de la seule fixation d’un prix minimum. Ils sont prêts à payer un premium pour des offres supplémentaires qui leur donnent une vraie valeur ajoutée en termes d’amélioration de process, de réduction de coûts ou de bénéfices pour l’utilisateur final. Cette classe de clients représente une faible proportion, quelque part entre 5 à 25 pourcent du marché total. Nos travaux nous ont révélé que dans l’industrie du revêtement d’acier cette catégorie de clients représente 8 pourcent du marché total ; alors que la proportion est de 22 pourcent sur certains marchés dans l’industrie chimique.
Prenons l’expérience de la compagnie Australian Wheat Board, qui sonde les marchés internationaux à la recherche d’acheteurs intéressés par du blé de grande qualité qui obéit à un certain nombre de caractéristiques très spécifiques. Alors que la plupart des acheteurs de blé ont besoin d’un blé qui remplit deux ou trois spécifications, les acheteurs exigeants comme les Japonais peuvent aligner une liste de 20 spécifications. En recherchant les clients les plus exigeants, et en répondant exactement à leurs exigences par des fournitures de produits difficiles à trouver, Australian Wheat Board a été capable d’extraire un premium sur un marché où la concurrence est fondamentalement basée sur les prix.
Les vrais clients “Gold Standard” sont intéressés par les relations long terme, les partenariats stratégiques avec des niveaux multiples d’interactions client. Ce sont ces clients que recherchent les markéticiens de commodités comme notre géant de l’agrobusiness. "Nous sommes en train de connaître une révolution dans notre façon de sélectionner nos clients, passant moins de temps dans les transactions et entrant dans des formules de partenariats" nous dit le responsable marketing d’un grand minotier.
Bien sûr, même les clients “Gold Standard” sont exigeants - souvent encore davantage que les autres segments de marché. Cependant, ils sont prêts à payer pour leurs exigences particulières.
2. Les Potentiels – Les clients “Potentiels”, un grand segment du marché faisant généralement entre 30 à 45 pourcent, mettent davantage l’accent sur le prix ; mais sont occasionnellement prêts à accepter la notion de relations sélectives impliquant certains produits ou services. Les clients dans ce segment montrent un certain intérêt pour les formules de partenariat, bien qu’ils évitent les engagements à long terme.
Cette catégorie inclue souvent des contrôleurs de gestion traditionnels. Parce qu’ils sont concernés par le coût final, il est possible à l’occasion de les intéresser aux opportunités de réduction des coûts de transaction, par exemple les coûts de transport ou de rupture de stocks. Tout manager sensible au risque, au lieu de se focaliser exclusivement sur le prix, veut aussi éviter les ruptures d’approvisionnement.
Dès lors qu’il est possible de prolonger la discussion au-delà du prix, alors le potentiel pour la différentiation peut être exploité.
3. Les Incorrigibles – Quoi que vous fassiez, ces clients ne sont pas prêts à vous aimer. Vous pouvez louer leur affection, mais seulement jusqu’au moment où votre budget le permet. Ces clients ne réfléchissent pas en stratèges. Ils sont fermement focalisés sur un objectif unique : faire le meilleur deal sur la transaction en cours.
Les clients “Incorrigibles” sont de purs acheteurs de prix, qui traitent les fournisseurs comme des ennemis et se focalisent exclusivement sur le prix offert. Ils sont prêts à changer de fournisseur à la vitesse de la lumière même pour un différentiel de prix insignifiant. Non seulement c’est souvent une perte du temps de faire du marketing auprès de ces “tireurs de prix vers le bas”, il est même parfois inutile de les avoir comme clients ; leur grand intérêt c’est la possibilité de les “refiler” comme cadeau aux concurrents !
Malheureusement, les “Incorrigibles” constituent la moitié du marché, ou davantage, dans beaucoup de marchés de commodités. Ils sont tellement présents que pas un fournisseur ne pourra sérieusement songer à les “licencier” tous.
La segmentation comportementale du marché est la première étape pour comprendre le potentiel clientèle, ce qui est le plus important. Les markéticiens ont aussi besoin d’analyser jusqu’à quel point les clients contribuent vraiment à leur rentabilité, plutôt que de rogner les bénéfices en payant juste le coût du service. Chez un fournisseur européen de commodités, 45 pour cent des clients représentaient le total des profits tandis que le reste des clients coûtaient de l’argent à l’entreprise.
Le résultat de ces segmentations est une short list de clients autour desquels le marketing a un réel impact.
L’étape ultérieure consiste à regarder de très près les besoins de ces clients. Le fournisseur devrait pousser son analyse jusqu’aux besoins que les clients ne seraient pas capables de formuler ou même de comprendre. Ce qui veut dire comprendre non seulement les besoins du client direct, mais souvent aussi ceux de l’utilisateur final, ou ce que nous appelons le“ vrai utilisateur”. Cela devient nécessaire quand l’acheteur direct -- quelqu’un qui peut être interne ou externe et qui est différent du vrai utilisateur -- agit comme un intermédiaire et n’est pas capable d’apprécier toutes les nuances qui sont en jeu dans l’utilisation finale de la commodité. “Se rapprocher du client” est devenu aujourd’hui un cliché, mais on ne doit pas ignorer le concept qui le sous-tend. Comprendre les besoins du client exige la proximité.
Dans les années 1980, la Mogul Corporation, qui fait partie de la Nalco Chemical Corporation's Specialty Division, vendait ses produits chimiques pour le traitement des eaux dans deux segments de marché : celui des chaudières et celui des tours de refroidissement. Pendant plusieurs années, Mogul ne regardait le marché que de ce seul point de vue. L’érosion progressive de ses parts de marché a forcé l’entreprise à regarder de manière plus fine le marché.
En analysant les besoins des utilisateurs, Mogul a découvert qu’ils achetaient les produits chimiques pour trois raisons essentielles : pour améliorer la qualité de leurs process, pour accroître la sécurité et pour rendre moins coûteux ces process. Compte tenu de la grande diversité de leurs opérations et de leurs produits finaux, les 2.500 clients de Mogul atteignaient ces trois objectifs à travers des méthodes spécifiques. Mogul s’est rendu compte qu’en combinant son offre de produits chimiques avec de l’assistance technique pour leur meilleure utilisation, il pouvait convertir ses acheteurs en véritables partenaires prêts à payer un premium pour la valeur ajoutée qu’apporte l’opportunité de modifier la demande des utilisateurs finaux.
Rhône-Poulenc a fait à peu près la même expérience, toujours dans les années 80. Dans un dernier effort pour rajeunir un business de produits à base de silice qui marchait mal, les chercheurs de Rhône-Poulenc ont développé une silice hautement dispersive, ou silice HDS, destinée aux pneus d’automobiles, qui permettait pour la première fois de diminuer la résistance au roulage sans diminuer la traction sur route mouillée. En fin de compte, la HDS a pu être vendue avec un premium de 75 pourcent par rapport aux silices ordinaires. Et comme les normes d’efficacité de consommation de carburant pour les flottes sont devenues plus contraignantes aux Etats-Unis, Rhône-Poulenc a pu passer des accords de long terme avec les plus grands fabricants pour la fourniture de silice HDS. Ses clients utilisent désormais la silice HDS pour fabriquer des pneus qui donnent jusqu’à 9 pourcent d’efficacité supplémentaire de consommation de carburant par rapport aux pneus avec de la silice ordinaire.
Voici comment l’entreprise a pu vendre du sable comme un produit de luxe !
DIFFÉRENTIEZ !
La différentiation dans les commodités doit être tangible, solide et capable de soutenir un examen minutieux. L’offre dont on veut faire le marketing doit améliorer de manière significative un ou plusieurs aspects de la chaîne de valeur du client de manière telle que vos concurrents ne pourront pas vous égaler.
Cela exige de pouvoir développer une source de valeur tangible et unique – en termes de technologie, d’engineering de support, de distribution, ou d’utilisation particulière de la commodité pour l’utilisateur final. Une fois mise en place, cette source de valeur différentiée sera difficile à être copiée par la compétition. En outre, si le fournisseur est capable d’assembler plusieurs sources de différentiation dans une même offre intégrée, le challenge sera autrement plus grand pour les concurrents.
Il y a toujours plusieurs façons de différentier, aussi bien dans la façon de créer la valeur supplémentaire que vous apportez que dans la manière dont vous la rendez disponible pour les clients. Dans les commodités, on crée de la valeur en améliorant la consistance de l’offre, la rendant plus commode ou en personnalisant de manière agressive son utilisation dans les opérations du client. La valeur peut être offerte soit dans le produit lui-même, soit à travers l’amélioration des services d’accompagnement. La figure I montre ce qu’on obtient lorsqu’on combine les deux dimensions.
Le résultat de cette combinaison c’est ce que nous appelons les six voies “génériques” de la différentiation.
1. Contrôle de Qualité : créer de la Valeur par la Constance de la Qualité du Produit...
2. Fiabilité : créer de la Valeur par la Constance du Service. Durant la dernière décennie, de nouvelles normes ont eu pour de modifier de manière significative les comportements chez les acheteurs de produits chimiques industriels, par exemple. De plus en plus de clients comprennent aujourd’hui l’importance de la fiabilité tant dans la qualité des produits, dans l’approvisionnement que dans les services d’accompagnement. Ils encouragement leurs fournisseurs à bien comprendre leur chaîne de valeur – et celles de leurs propres clients – de façon à pouvoir mettre en place des partenariats qui créent de la valeur sur le long terme.
La Dow Chemical Company a été l’un des premiers fournisseurs à avoir capitalisé sur cet intérêt grandissant pour la valeur. Vers la fin des années 80, elle a développé un service, le "The Diamond Service Plan," à travers lequel la compagnie garantissait une réponse en moins de 24 heures à toute question posée par un client ou problème impliquant ses produits chimiques. Pour cela, Dow a mis en place une infrastructure qui lui permet de fournir – dans les délais annoncés – une large gamme de supports techniques concernant ses produits et leur utilisation.
Ce service lancé par DOW a eu un énorme succès. Un succès qui s’est traduit par un accroissement des parts de marché, une plus grande fidélisation de la clientèle et des prix plus élevés pour ses produits. Grâce à ce service et les partenariats auquel il a donné naissance, Dow a pu augmenter le taux d’utilisation de ses capacités de production tout en en réduisant la complexité ; ce qui s’est traduit par une réduction des coûts et des marges plus importantes. De plus, en investissant dans une infrastructure qui fournissait un service unique, Dow a réussi à proposer une offre de valeur que ses concurrents n’ont toujours pas pu égaler.
3. Packaging : créer de la Valeur à travers la Commodité du Produit. Une qualité et un service réguliers, bien qu’essentiels, constituent seulement la forme basique de la différentiation. Ajouter la commodité à la régularité, c’est se donner une dimension supplémentaire à son offre, la rendant plus difficile à imiter par les concurrents.
Habituellement, les producteurs d’épices vendent leurs épices dans de petits sachets aux fabricants de nourriture pour chiens. Bien que la nourriture pour chiens soit mélangée dans d’énormes cuves industrielles, les ouvriers devaient mesurer manuellement les doses d’épices dans la nourriture parce qu’ils les recevaient dans des quantités trop petites pour être mesurées par un quelconque équipement industriel. Ce processus, en même temps lent et lourd, se traduisait immanquablement par des pertes substantielles.
C’est alors qu’un des producteurs a eu l’idée de faire des mélanges pré-mesurés qu’il incorporait aux sacs de farine. Le nouveau packaging éliminait du coup la nécessité pour le client de faire la moindre mesure – emballé avec la farine, l’assaisonnement arrivait en quantités suffisamment importantes pour pouvoir être mesuré et mélangé de façon industrielle, plutôt que par les ouvriers. Le producteur est ainsi arrivé à différentier de façon efficace son offre en revoyant son packaging pour s’adapter au processus de production des clients.
4. Assumer des Responsabilités : créer de la Valeur à partir d’un Service plus Commode. Ëtre capable d’approvisionner les clients aussitôt qu’ils en font la commande est une bonne chose. Pouvoir les approvisionner de façon automatique avant même que le client n’ait fait la commande est encore mieux.
5. Assortir : créer de la Valeur à partir de la Personnalisation du Produit. Le marché du blé constitue un bon exemple de sélection de clients -- les clients Gold Standard dont nous avons parlé plus haut – qui sont prêts à payer un prix supérieur à un fournisseur qui est capable de leur donner exactement les spécifications de la commoditiy qu’ils désirent.
En raison des caprices de la nature, il est impossible de garantir les caractéristiques précises d’une récolte de blé. Les variations de qualité qui en découlent - comme le pourcentage d’humidité par exemple – peuvent se traduire par des différences pour les clients finaux, comme les boulangers ou les fabricants d’aliments. Mais ces variations tendent à devenir des différences assez subtiles – et non importantes – pour les minotiers qui achètent du blé par containers de 55.000 tonnes. Pour la plupart d’entre eux, les facteurs déterminants sont le prix et la disponibilité. Et l’avantage de prix est souvent ce qui compte chez les producteurs largement subventionnés d’Amérique et d’Europe.
Mais pour certains acheteurs – les Japonais en particulier – des variations qui paraissent mineures ont une importance considérable. Leurs achats doivent répondre à des exigences précises et à une longue liste de spécifications. Le Wheat Board australien, contraint de s’aligner aux compétiteurs internationaux sur les prix, offre au Japonais et à d’autres acheteurs hautement sélectifs des produits très personnalisés. Utilisant des moyens informatiques pour contrôler le contenu précis du blé dans tous ses 1.500 silos en Australie, le Wheat Board est capable de déterminer avec une grande précision la demande particulière des Japonais. Avec ce type de client, le Wheat Board gagne jusqu’à 2 Dollars supplémentaires par tonne dans un marché pourtant connu pour ses marges faibles.
6. Applications Basées sur le Savoir : créer de la Valeur à partir d’un Service Personnalisé. La forme la plus poussée de différentiation nécessite de s’impliquer profondément dans les opérations du client. Une connaissance étendue des process du client peut être utilisée pour créer une valeur substantielle et poser les premiers jalons vers des relations de partenariat long terme.
Tout à l’heure, nous avions vu comment la vision communément acceptée du marché par la compagnie Mogul -- segmenter le marché entre les chaudières et les tours de refroidissement -- était trop superficielle. Chacun des clients de Mogul utilisait les produits chimiques Mogul dans des processus particuliers pour aboutir à des applications spécifiques. Avec le temps, Mogul a commencé à composer des systèmes comprenant des produits chimiques, des équipements et des services, segmentés par type d’industrie, pour aider chaque client à atteindre l’objectif désiré ; et cela, en améliorant la qualité, en augmentant la sécurité et en diminuant le coût du process.
Par exemple, à l’intérieur de leur portefeuille dans l’industrie alimentaire, les managers de Mogul combinaient des solutions peu coûteuses pour les fabricants de produits laitiers, de jus de fruit et de chips de pommes de terre. En combinant des solutions industrielles modulaires avec des configurations de sites particulières, Mogul est arrivé à mettre au point des solutions spécifiques aux clients, qui étaient alors stockées dans des bases de données facilement accessibles à leurs représentants sur le terrain. Mogul offrait des primes à ses représentants pour produire et mettre au point leurs propres systèmes de solutions, fondées sur les situations réelles rencontrées sur le terrain. Avec le temps, les bases de données ont commencé à croître pour permettre un accès par Internet, donnant la possibilité de les assimiler facilement et de personnaliser les solutions pour les nouveaux clients. Le stockage de ces informations critiques, et la technologie qui va avec, sont devenus une différentiation clé pour Mogul en même temps qu’un avantage concurrentiel décisif.
ASSEMBLEZ !
Définir et servir un attribut différentié qui procure une réelle valeur pour le client est une chose essentielle, mais non nécessairement suffisante. Souvent, un seul attribut – une qualité ou un service consistants, par exemple – peut être égalé, ou à tout le moins neutralisé par des compétiteurs astucieux. Une différentiation qui est attachée à un produit spécifique est une façon bien insuffisante pour faire du “branding”. Idéalement, faire le branding d’une commodity est associé avec une offre globale – incluant le produit avec diverses formes de différentiations – plutôt que dans un produit particulier. Le but c’est de combiner de multiples sources de différentiation – puis de se battre férocement pour que les compétiteurs ne puisent pas les désassembler.
Au bout du compte, le but consiste d’abord à bâtir une forte identification de marque avec un assemblage d’offres intégrées, puis d’étendre le concept de marque à toute l’entreprise de façon à mobiliser toutes les opportunités d’influer sur le marché. Les gens qui font le marketing des produits chimiques et minéraux de Du Pont comprennent bien qu’ils ont un avantage considérable dû à la réputation de la compagnie en termes d’innovation, fiabilité et stabilité. Même s’il n’y avait rien d’innovant dans un produit particulier qu’il serait amener à commercialiser, “les gens nous l’achèteraient quand même parce que nous sommes de chez Du Pont”. C’est cela même le branding d’une commodity.
L’objectif du branding institutionnel consiste à créer des relations avec la clientèle qui soient denses et profondes – plus denses que les relations traditionnelles entre un vendeur et un responsable des achats, et plus profondes que l’attachement émotionnel d’un adolescent pour une marque particulière de jeans. S’agissant des relations dans le domaine des commodities, les liens émotionnels sont remplacés par des buts partagés et des valeurs communes. Par exemple, un des grands fournisseurs de l’agrobusiness affirme que lorsqu’il est au coude à coude avec les compétiteurs, ce qui fera la différence ce sont “l’éthique et la culture”.
Le marketing de marque exige de multiplier les points de contacts entre les entreprises de façon à ce que les deux partenaires trouvent des voies mutuelles pour créer de la valeur à travers une mise en ligne des process, des applications et des aptitudes. Cela demande une vision entièrement nouvelle des relations qui doit remplacer la simple transaction, une offre globale plutôt que des produits, des primes plutôt que des remises. "Les relations qui se limitaient à un contact d’homme à homme, s’étendent désormais à toute l’entreprise ; que ce soit celle du fournisseur ou celle du client," affirme un directeur du marketing d’un grand groupe dans l’agrobusiness.
Cela nécessite aussi une communication efficace autour de la marque. Mais des années d’expériences décevantes, dues à l’utilisation des méthodes coûteuses de marketing de produits grands public, ont rendu les fournisseurs de commodities plutôt circonspects. Á un point tel que certains ont développé une aversion quasi pathologique pour la communication en général, et à la communication publicitaire en particulier.
Bien ciblée, une communication astucieusement focalisée peut se révéler très efficace sur le marché des commodities ; sauf qu’elle ne ressemblera pas à la communication publicitaire de masse que beaucoup de fournisseurs de commodities associent trop facilement au marketing de marque. La clé consiste à communiquer clairement la valeur, en utilisant plus des arguments économiques plutôt qu’émotionnels.
Prenons le cas de la résine polyéthylène, une commodity utilisée dans la fabrication de produits plastiques allant des sacs poubelle aux sacs de congélation. Les tests faits par Du Pont ont montré que les tubes fabriqués à partir de sa résine Alathon 25 duraient cinq % de plus que les produits concurrents. Mais en dépit d’une chute continuelle du prix des tuyaux, Du Pont n’a jamais pu convaincre les fabricants de tubes de payer un premium pour son produit.
En réponse, Du Pont a lancé un vaste programme de formation de ses clients sur la vraie valeur de sa résine supérieure. Pour cela, il a produit une analyse détaillée des coûts comparatifs impliqués dans l’installation et l’entretien des tubes d’irrigation fabriqués avec de l’Alathon, comparés à ceux utilisant les résines ordinaires des concurrents. Les économies directes résultant du taux de remplacement plus faible se sont révélées plutôt faibles. Les vraies économies -- 10 fois plus pour les nouveaux tubes – venaient des coûts moindres de main d’œuvre et de moins de récoltes endommagées dues au remplacement plus fréquent des tubes. Au bout du compte ; Du Pont a pu accroître le prix de l’Alathon de 7 pourcent, ce qui s’est traduit par un premium global de 38 %, alors que les ventes doublaient l’année suivante.2
1 Rangan, V. Kasturi, "Segmenting Customers in Mature Industrial Markets: An Application," Harvard Business School, Case Study 9-594-089 (May 9, 1994).
2 Nagle, Thomas T., and Holden, Reed A., "Strategy and Tactics of Pricing" (Prentice Hall, 1995), pp. 107-114.

SERVIR !
Extraire des prix premium à partir d’une offre différentiée exige du fournisseur qu’il concrétise effectivement la promesse de valeur supplémentaire. C’est pourquoi l’exécution est critique ; le fournisseur doit disposer des systèmes et processus requis pour servir l’offre dont il fait le marketing. Il devra aussi mettre en place les systèmes qui lui permettent de ne pas servir les clients qui ne sont pas prêts à payer le premium. Le Wheat Board australien doit être capable de localiser et de servir le blé de haute qualité qu’il promet. Les pneus contenant la résine HDS de Rhône-Poulenc doivent prouver leur plus grande efficacité en matière de consommation de carburant. Et les tubes d’irrigation de Du Pont fabriqués à partir du polyéthylène Alathon 25doivent durer plus longtemps et produire les économies de remplacement annoncées.
Lorsque des acheteurs de commodities paient pour un produit premium, la valeur attendue ne doit pas se réduire à une peau de chagrin. La valeur doit être réelle et tangible ; parce qu’elle doit pouvoir être constamment mesurée et réévaluée par les clients. D’un autre côté, si le client paye pour un produit de haute qualité avec un haut niveau de service, il veut en avoir exactement pour son argent. Aussi, les systèmes de gestion interne doivent-ils imposer une discipline qui garantie qu’on ne sert pas le client au-delà de ses attentes.
Les changements qu’on doit apporter aux capacités des entreprises ne se limitent pas à la production et à la logistique. Ils concernent davantage le côté “soft” – le management du client. Employer des forces de vente traditionnelles pour faire le marketing d’une commodity premium c’est l’illustration parfaite du principe de Pogo : "Nous avons rencontré notre ennemi… et il est en nous." (Principe rendu familier par Pogo, le héros de la fameuse bande dessinée de Al Capp).
Le brand marketing nécessite une rééducation massive, l’introduction de nouvelles valeurs et des systèmes de motivation sur mesure. Traditionnellement, les vendeurs de commodies ont deux soucis : le volume et la transaction immédiate. Leur tactique de base c’est de renforcer leur relation personnelle avec leur client. Pour sceller la transaction, ils sont prêts à offrir pratiquement n’importe quoi, allant jusqu’à la formule : "Je sais ce que disent les bordereaux de prix, mais voilà le sacrifice que je fais pour vous." Cette approche peut se révéler catastrophique lorsqu’on l’applique au brand marketing. Avec une vitesse alarmante, les vendeurs vont être amenés à désassembler votre offre globale. Ils vont éroder vos premiums. Ils vont offrir des remises injustifiées. Abandonnés à eux-mêmes, ils vont détruire votre marque plus vite que tout effort pour la reconstruire de nouveau.
Il existe peu de questions aussi problématiques pour les markéticiens de commodities que la fixation des prix. "Je connais peu de markéticiens de commodities qui vendent sur la base de la valeur," nous disait le directeur général d’un grand fournisseur européen de produits chimiques. "C’est comme un concept qui nous est étranger." La norme dominante, au contraire, c’est une surenchère à couteaux titres visant à accroître le volume.
La mentalité traditionnelle de fixation des prix sur les marchés de commodities nous dicte le principe selon lequel tous les clients devraient payer le même prix, avec des modulations raisonnables pour tenir compte du volume et des coûts de transport. Cette vision du marché est complètement fausse. La notion selon laquelle tous les clients de commodities faiblement différentiées doivent payer le même prix est un mythe. Par exemple, dans l’un des segments de marché pour une commodity donnée, notre analyse menée sur 100 clients, a montré que 61 pourcent d’entre eux payaient un prix qui variait dans une fourchette de plus de 10 pourcent autour du prix moyen. Dans certains cas, des clients qui achetaient des volumes comparables payaient un prix qui est le triple, voire le quadruple, du prix de base. Et en général, les plus grosses remises profitaient davantage aux acheteurs de volumes faibles.
Il peut arriver que des fournisseurs de commodities aient l’habitude de fixer un large spectre de prix ; mais la logique qui est derrière ces variations n’est pas toujours évidente. Un système de pricing décidé au petit bonheur ne peut pas faire office d’une stratégie de marque à long terme. Faire le marketing d’une branded commodity implique la mise en œuvre de principes de pricing fondamentaux.
Premièrement, le fournisseur de branded commodities doit constamment être au fait des coûts réels de la différentiation. Les fournisseurs de commodities, plutôt que de risquer la perte d’un client en demandant un prix premium, offrent souvent un service qu’on leur demande. Avec le temps, ils augmentent de façon incrémentale leur offre mais sans en extraire une différentiation bien nette. Au bout du compte, cela peut mener à la ruine. Faire du branding efficace exige de pouvoir calculer de façon précise le coût d’initialisation, de fourniture et de support de l’offre.
Deuxièmement, il est essential pour les fournisseurs de maîtriser la valeur même dans le cas de faibles différences. Comme nous l’avons vu dans le cas des tubes d’irrigation de Du Pont, 5 pourcent de différence dans la durabilité ne semblait pas être significative – jusqu’à ce que les clients soient formés sur les coûts plus substantiels associés au remplacement des tubes enterrés sous les champs cultivés.
Le troisième principe est lié intimement au second : la compréhension de la vraie valeur de l’offre en termes d’avantages pour les opérations du client et son aptitude à faire le basculement. Par exemple, un fabricant de briques réfractaires demandait un prix premium pour des briques de haute qualité. Mais ce premium faisait pale figure devant le coût énorme de dépose d’un four pour entretien suite à l’utilisation de briques de moindre qualité.
Nous avons déjà largement discuté du quatrième principe, mais il est utile de le marteler une deuxième fois : Ne permettez pas qu’on désassemble votre différentiation, aussi bien par vos compétiteurs que par votre propre force de vente. Car l’assemblage de l’offre (bundling) c’est le cœur même de la stratégie de marque.
Cinquièmement, les markéticiens efficaces doivent être préparés pour faire continuellement des arbitrages complexes entre le volume et le prix. Ce qui veut dire, occasionnellement, abandonner de façon délibérée une part de marché lorsque les conditions sont mauvaises ; puis agir agressivement pour regagner les parts de marché lorsque les conditions sont meilleures. Cela nécessite une approche dynamique, au jour le jour, que le Wheat Board australien appelle le "marketing de guérilla" -- qui revient à roder sur les marchés mondiaux à la recherche d’opportunités qui valorisent vos avantages, et refuser les combats où le coût de la victoire paraît trop élevé.
En fin de compte, une stratégie de pricing efficace exige du fournisseur de maintenir une stricte discipline de marché – une approche non émotionnelle, délibérée et qui permet d’éviter les guerres de prix. Cela suppose une analyse détaillée de ce que font les compétiteurs, et pourquoi ils le font, de façon à éviter de mal interpréter les messages qui pourraient laisser croire à un phénomène ponctuel ou à une aberration géographique plutôt qu’à une volonté délibérée de la direction générale de casser les prix. Il est indispensable de pouvoir éviter d’être pris de panique par une guerre de prix qui met à mal la stratégie long terme.
CONCLUSION
Pour faire court, nous croyons possible de vendre du sable comme un produit de luxe. Pour ceux qui montrent de la curiosité pour cette possibilité mais restent sceptiques sur le résultat, ils auront de bonnes surprises. En nous fondant sur nos recherches, nous pouvons prétendre que vous pouvez vendre du sable comme un produit de luxe, comme vous pouvez le faire avec du blé, du bœuf, des briques, du béton, des produits chimiques et une infinité d’autres commodities qui sont traditionnellement considérées immunisées contre le processus de branding.
De plus, on peut aboutir à de résultats consistants en développant des “marques premium”. Souvenons-nous des 2 Dollars supplémentaires par tonne que le Wheat Board australien a pu récolter.
Mais le marketing des commodities n’est pas chose aisée. Nos recherches ont montré que si un marketing efficace pouvait générer des revenus élevés, un marketing inefficace est pire que pas de marketing du tout.
Si l’on prend en compte l’économie du business des commodities, la marge d’erreur est particulièrement mince. Prenons l’exemple d’un fournisseur de commodities comme la farine, les marges nettes se situent dans la fourchette des 5 pourcent. L’industriel qui achète cette farine pour en faire des céréales pour petit-déjeuner fait généralement des marges de l’ordre de 35 pourcent. Si le fabricant de céréales passe beaucoup trop de temps qu’il ne devrait pour ses ventes, c’est dommage pour lui mais non catastrophique. La même erreur faite par le fournisseur de farine peut démolir ses marges.
La clé c’est d’appliquer une approche disciplinée et délibérée qui commence par le marché ; c’est-à-dire, comprendre comment créer de la valeur, la servir et, plus important encore, trouver comment la faire payer au client. Pouvoir être payé pour la valeur nécessite un effort de branding qui va en élargissant la relation au-delà de la simple transaction pour toucher toute l’entreprise.
3Narver, John C., and Slater, Stanley F., "The Effect of Marketing Orientation on Business Profitability," Journal of Marketing, October 1990.
Un Auto-Test pour les Commodities
"Les marchés de commodities" est une formulation tellement utilisée qu’elle en devient sans réelle signification. Plutôt que de chercher à débattre de la définition, nous vous proposons le test suivant : Quel est, s’il en est, parmi ces cinq caractéristiques celle qui s’applique le mieux au marché dans le quel vous opérez ? 1. Vos clients évaluent de façon attentive chaque achat. Dans certains marchés, les clients achètent de façon automatique et font très peu, voire aucune évaluation. Par exemple, à l’une des extrémités, on a les clients qui consacrent en moyenne 11 secondes à une décision d’achat typique dans un supermarché, selon une étude réalisée en 1979. Cet achat fait partie de la centaine d’achats que le client fait chaque semaine, auquel il accorde peu de considération consciente
Même si les clients en ont le temps et l’inclination, peu d’entre eux possèdent les ressources ou les capacités techniques pour pouvoir comparer de façon précise des offres concurrentes. En fait, le client paye le luxe de ne pas avoir à réfléchir à son acte d’achat. C’est la marque qui lui donne les clés instantanées – meilleure qualité, prix bas, service fiable – le déchargeant de l’effort de peser systématiquement le pour et le contre de chaque décision d’achat.
Au contraire, les acheteurs de commodities possèdent non seulement les ressources et les capacités mais aussi la motivation pour évaluer chaque achat. Le facteur de risque qui est en jeu dans chacun de leur achat dépasse très largement les risques auxquels sont confrontés les consommateurs, et justifie pleinement les investissements qu’on y injecte en termes d’attention.
2. "Le vrai client " est anonyme. Votre produit est acheté par un acheteur, ou par son agent, qui n’est pas l’utilisateur final du produit et qui peut ne pas saisir les différences subtiles mais importantes. Par exemple, dans le cas du Wheat Board australien, qui est dans le business de la fourniture de blé de haute qualité, les différences dans les caractéristiques du blé se traduisent par des différences nettes pour l’utilisateur final, comme un boulanger. Un changement soudain dans la fourniture peut se traduire par des miches de pain un pouce plus longues ou plus hautes. Cependant, les fournisseurs de blé n’ont pas de contact avec les boulangers, mais avec un intermédiaire, qui est souvent très loin de la minoterie, et qui peut n’être pas capable d’apprécier les différences de performances que des légères variations dans la matière première peuvent générer. Le boulanger est le vrai client, et non pas l’intermédiaire ou le minotier ; mais il est anonyme pour le Wheat Board. Ce n’est pas une situation inhabituelle pour des markéticiens de commodities de ne pas connaître les “vrais clients”.
3. Vous avez des concurrents "muets". Tous les concurrents n’agissent pas selon des stratégies marchés bien précises. Regardez les guerres de prix incessantes et suicidaires qui ravagent périodiquement l’industrie du transport aérien. En dépit des efforts faits par les compagnies aériennes pour améliorer leurs marges à travers des offres différentiées, comme les “frequent-flyer programs”, "cette industrie est toujours entre les mains de concurrents muets" a dit un jour L. Crandall, le directeur général d’American Airlines, au magazine Time. En général, les concurrents "muets" croient qu’ils ont suffisamment d’avantages pour se permettre de mener la concurrence sur les coûts et les coûts seuls.
En fait, dans les marchés de commodities, la stratégie traditionnelle du “pur plus bas prix, basé sur le coût le plus bas” marche rarement.
Dans beaucoup d’industries on trouve des producteurs qui offrent plusieurs produits à coûts bas, avec une taille et des capacités comparables ; et qui opèrent bien en dessous du point minimum d’efficacité d’échelle, le point à partit duquel les économies d’échelle ne sont plus critiques. Même un fournisseur qui a vraiment les coûts les plus bas, et les prix les plus bas par voie de conséquence, est vulnérable aux guerres de prix déclarées par des concurrents agressifs se basant sur le volume et les parts de marché. Malgré cela, beaucoup de compétiteurs persistent à se ruer sur les marchés avec des produits bien maquillés mais de qualité inférieure, mettant l’accent sur le prix, le prix, le prix.
4. Vos canaux de distribution sont en concurrence avec vous pour gagner l’âme et le cœur du "vrai client." Le terme “Client” est souvent utilisé pour décrire un canal de distribution; alors que souvent c’est le terme “Concurrent” qui est plus appropriée.
En utilisant l’exemple du consommateur, parce qu’il est facilement reconnaissable, prenons le cas des fournisseurs de tapis synthétiques. Ils font souvent la promotion du type de fibre utilisée dans leurs tapis, avec pour résultat le fait que les consommateurs considèrent la marque de la fibre utilisée comme la marque du tapis ; et sont ainsi amenés à croire que les différents tapis sont quasiment les mêmes, en dehors de la couleur, etc. Après tout, tous ces tapis utilisent les mêmes ingrédients de base. On rencontre le même phénomène dans d’autres marchés de consommation de masse – casseroles de cuisine, blousons ou ordinateurs personnels. Dans les marchés industriels, comme par exemple le blé, l’important c’est que le minotier veuille gagner la fidélité du boulanger, et non la partager avec les fournisseurs de blé.
5. Il y a des agents "anti-branding" sur le marché. Toute organisation, quelle que soit sa dénomination, qui encourage la comparaison sur les seuls prix et contribue à obscurcir les différences entre les produits est en fait un agent "anti-branding". Quand des organisations de trading passent des contrats pour du blé de printemps, et que les bourses de matières premières donnent de cotations pour ces contrats, il devient difficile pour le Wheat Board australien d’obtenir de bons premium pour son blé. (Cette qualification peut paraître offensante pour des organisations de trading, qui pourraient arguer que leurs efforts sont le résultat de faibles niveaux de différentiation, et non la cause. Les exemples sur les marchés de consommation de masse suggèrent l’inverse, mais c’est là une question trop complexe pour être traitée ici).
Ceci est un simple test. Sur l’un d’entre eux, le Wheat Board australien atteint le score parfait de 100.
Les Auteurs
Sam I. Hill, Sam I. Hill est vice-president de of D'Arcy Masius Benton & Bowles. M. Hill était auparavant vice-président chez du marketing Group Booz-Allen & Hamilton à Chicago. Il a fait des publications dans la Harvard Business Review et dans d’autres journaux et est coauteur, avec Glenn Rifkin, du livre en cours de publication "Radical Marketing," édité par Harper Business. M. Hill détient un M.B.A. de la University of Chicago.
Jack McGrath, Jack McGrath est senior vice president chez Booz-Allen dans la practise “consumer and engineered products”. Les principaux clients de M. McGrath sont de grands fournisseurs de marchandises préemballées et de produits de consommation durables. Il a aidé des markéticiens dans des entreprises de commodities à bâtir leurs compétences de différentiation de marque pour leurs produits. .
Sandeep Dayal, Sandeep Dayal est senior associate chez Booz-Allen dans la practise “consumer and engineered products”. Il s’est spécialisé dans le marketing, la stratégie et les questions d’organisation. M. Dayal détient un Master en management public et privé de la Yale School of Management.
Cet article est paru dans le numéro d’automne 1998 de Strategy+organization
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